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Magazine Savoir avril 2021

SPÉCIAL - santé mentale

Une étude sur l’adaptation des enfants en temps de pandémie

| Par Bruno-Pierre Cyr, conseiller en communications à la FCSSQ

La situation pandémique est synonyme d’une grande période d’adaptation. C’est vrai pour les adultes, les enfants et les organismes scolaires, sociaux ou familiaux. Des chercheuses et des chercheurs du monde entier se penchent sur les effets de cette situation. Le Québec ne fait pas exception. Savoir s’est entretenu avec une de ces chercheuses, dont le projet est toujours en cours.

Plus précisément, le projet mené par la Dre Claire Baudry, professeure agrégée au Département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières, vise notamment à « décrire le niveau d’exposition à la pandémie et dresser le portrait de l’adaptation psychosociale et de la santé mentale des enfants âgés de 6 à 17 ans » (Baudry et al., 2021).

D’entrée de jeu, Mme Baudry précise que les mesures ont été effectuées à trois moments au cours de la pandémie et que les résultats préliminaires doivent être analysés avec parcimonie. Ces balises étant posées, les analyses révèlent que 65,8 % des enfants « ne présentent pas de difficultés d’adaptation globale en contexte de pandémie ». 

L’exposition aux informations

« Les mesures ont été faites par des questionnaires aux parents, ils avaient à répondre à des questions sur leur enfant. Nous avons aussi mesuré le degré d’exposition à la pandémie », a-t-elle précisé. Une exposition directe signifie, par exemple, que l’enfant a subi un test de détection du virus ou qu’un proche l’a contracté. Pour l’exposition indirecte, on parle ici d’être sensibilisé à la situation, via les médias d’information, entre autres. 

Selon l’étude, 81,6 % des enfants suivent la situation avec un de ses parents par au moins une source d’information. Les enfants plus vieux et ceux dont les parents sont les plus scolarisés sont davantage exposés aux actualités liées à la pandémie. Le point de presse quotidien des autorités gouvernementales a été un moment privilégié d’exposition à l’information, alors que des enfants le regardaient avec leurs parents, précise Mme Baudry. Les plus vieux ont eu tendance à regarder les informations, seuls, étant plus autonomes. 

L’équipe de recherche a ainsi noté que « les enfants exposés à l’information comparativement à ceux qui ne le sont pas ont ainsi tendance à présenter plus de crainte, d’anxiété, de peur, d’irritabilité, de changement d’humeur, d’isolement que les enfants les moins informés » (Baudry et al., 2021).

Si les deux tiers des enfants ne présentent pas de difficulté d’adaptation, la recherche démontre que « près d’un tiers de l’échantillon présente toutefois des symptômes en nombre suffisant pour traduire des difficultés d’adaptation ». 

Les enfants déjà vulnérables plus à risque?

Cette recherche analyse aussi la situation des enfants présentant des vulnérabilités. Dans l’échantillon retenu, 86 enfants ont reçu un diagnostic d’un professionnel : trouble de l’anxiété, trouble de l’humeur, difficulté de comportements ou d’apprentissage, etc.

Ces enfants présentent plus de difficultés que les autres : tristesse, irritabilité, difficulté de sommeil, ce qui les rend moins disponibles pour les apprentissages. (Baudry et al., 2020) De nombreuses études ont démontré que d’autres facteurs doivent être considérés dans l’analyse de ces données : situation personnelle et familiale, facteurs de risques préexistants, manque de suivi professionnel en raison de la situation pandémique, etc. (Pollice et al., 2012; Bland et al., 1996). 

Les recherches se poursuivent donc afin de mieux comprendre les conséquences de la pandémie sur les enfants. Une troisième prise de mesures sera réalisée prochainement par Mme Baudry et ses collaborateurs.

Le comité québécois pour les jeunes en difficulté de comportement (CQJDC)

Mme Joudie Dubois, directrice générale du CQJDC, présente lors de l’entrevue réalisée, a été en mesure de présenter la mission de l’organisme. Il s’agit d’un organisme sans but lucratif créé en 1994 afin de favoriser le bien-être des jeunes qui vivent des difficultés d’ordre social, affectif ou comportemental, ainsi que de promouvoir la qualité des services éducatifs qui leur sont offerts. Leur équipe est constituée d’une vingtaine de membres qui s’engagent de manière bénévole. Ce sont donc des personnes passionnées et qui ont à cœur le bien-être des jeunes qui constituent l’organisme. S’y trouvent aussi des membres experts qui ont une expertise dans le domaine des difficultés d’ordre social, affectif ou comportemental. Ce sont eux, mais également tous ceux qui gravitent autour, dont les parents, les enseignants et les intervenants qui réalisent les différentes ressources qui permettent de soutenir les jeunes.

Parmi les activités du CQJDC, outre les ressources gratuites mises à disposition, mentionnons des activités de formation qui permettent de soutenir les parents, les enseignants, les intervenants. Le CQJDC publie également la revue La foucade qui est diffusée gratuitement deux fois par année et qui partage de bonnes pratiques d’intervention auprès des jeunes en difficulté.

Les actions du CQJDC pendant la pandémie

Le contexte de la pandémie a entrainé de nombreux défis d’ordre social, affectif et comportemental pour tous. L’équipe du CQJDC s’est rapidement réunie afin de mettre en place des ressources pour soutenir la population. En collaboration avec la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais, elle a créé le Coffre à outils, qui présente de nombreuses ressources abordant notamment l’anxiété, l’importance des saines relations dans un contexte d’isolement et de distanciation sociale, la gestion des comportements difficiles, les troubles de sommeil, la gestion des émotions et la reconnaissance des besoins des aidants.

Liens intéressants


Bibliographie

– Baudry, C, Pearson, J., Massé, L., Ouellet, G., Hébert A., et Maurice-Racine, S., Bégin, J-Y., Couture, C., Gilbert, E., Slater, E., Burton, K (24 novembre 2020). Adaptation psychosociale des enfants vivant en contexte de pandémie. Données préliminaires sur les enfants québécois âgés de 6 à 17 ans. Colloque – Bilan d’une rentrée scolaire en contexte de pandémie.

– Baudry, C., Pearson, J., Massé, L., Ouellet, G., Bégin, J.-Y., Couture, C.,Burton, K. (2021). Adaptation psychosociale et santé mentale des jeunes vivant en contexte de pandémie lié à la CODIV-19 au Québec, Canada. Données descriptives et préliminaires [Psychosocial adaptation and mental health of young people living in the context of a COVID-19 pandemic in Quebec, Canada. Descriptive and preliminary data]. Canadian Psychology/Psychologie canadienne, 62(1), 80-91. http://dx.doi.org/10.1037/cap0000271

– Bland, S., O’Leary, E., Farinaro, E., Jossa, F., Trevisan, M. (1996). Longterm psychological effects of natural disasters. Psychosomatic Medicine, 58(1), 18-24. https://doi.org/10.1097/00006842-199601000-00004

– Pollice, R., Bianchini, V., Roncone, R., Casacchi, M. (2012). Distress psicologicoe disturbo post-traumatico da stress (DPTS) in una popolazione digiovani sopravvissuti al terremoto dell’Aquila, ADAPTATION PSYCHOSOCIALE DES ENFANTS EN PANDÉMIE 11, . Rivista_Psichiatria, 47(1), 59-64. https://doi.org/10.1708/1034.11292