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Développement durable

Observations du commissaire au développement durable

Intégration du développement durable dans les bâtiments scolaires

| Par Paul Lanoie, Ph. D. Commissaire au développement durable et vérificateur général adjoint au Vérificateur général du Québec


En novembre 2019, le Vérificateur général du Québec publiait les résultats d’un audit sur la qualité et la disponibilité des bâtiments scolaires.1 Le rapport concluait que la qualité des bâtiments scolaires et la disponibilité des locaux sont actuellement insuffisantes, ce qui ne permet pas de répondre adéquatement aux besoins des élèves et des enseignants dans plusieurs commissions scolaires.

En tant que commissaire au développement durable, je souhaiterais partager avec vous mes observations relatives à cet audit,2 en mettant en évidence l’importance de s’attaquer aux défis contemporains, en particulier ceux liés aux enjeux environnementaux, lors de la rénovation ou de la construction d’écoles.  

L’opportunité de relever les défis du monde d’aujourd’hui… et de demain

La rénovation des bâtiments scolaires actuels et la construction de nouveaux bâtiments offrent une opportunité unique de les adapter aux nouvelles réalités sociales, environnementales et économiques. Il faut s’attarder aux nouveaux défis auxquels le milieu scolaire est confronté, et essayer dès maintenant d’intégrer ceux qui se profilent pour l’avenir. Il importe de prendre le temps nécessaire pour bien concevoir les bâtiments scolaires en faisant appel à tous les champs de compétence pertinents, considérant qu’ils auront vraisemblablement une longue durée de vie.

Des besoins changeants

Comme le rapport d’audit de la vérificatrice générale l’indique, les bâtiments scolaires au Québec ont en moyenne plus de 50 ans. Ainsi, 85 % des écoles primaires québécoises ont été construites avant 1970, dont les deux tiers entre 1950 et 1970 pour faire face au baby-boom. Plusieurs de nos écoles primaires et secondaires ont donc vu le jour à une époque bien différente de celle d’aujourd’hui. 

Les bâtiments scolaires ont peu changé depuis leur construction, sauf pour quelques modifications comme l’ajout de gymnases ou d’équipements informatiques. Pourtant, la vie qu’y mènent les élèves ainsi que leurs besoins ont passablement évolué. Par exemple, les élèves passaient, en moyenne, 60% plus de temps à l’école chaque jour en 2010 qu’en 1950 selon une revue de la littérature réalisée par Carole Després de l’École d’architecture de l’Université de Laval et ses collaborateurs. Ainsi, une grande partie des élèves retournaient à la maison à pied à l’heure du dîner ou à la fin des classes à l’époque. Aujourd’hui, la majorité des élèves du primaire arrivent à l’école en voiture avec leurs parents ou en autobus, et y restent plus longtemps. En outre, le milieu scolaire s’est complexifié, avec l’intégration de plusieurs élèves aux besoins particuliers.

Des connaissances qui évoluent

Les connaissances concernant les environnements et les conditions favorisant l’apprentissage ont grandement évolué depuis que la majorité de nos écoles ont été construites. Par exemple, une analyse de l’Institut du Québec souligne que de nombreuses études montrent que l’environnement bâti des écoles peut avoir une incidence significative sur l’apprentissage et la réussite éducative. 

De nouvelles connaissances particulièrement en lien avec la santé et la qualité de vie ont aussi émergé. Par exemple, la revue de la littérature réalisée par Carole Després et ses collaborateurs a recensé plusieurs études démontrant que la mauvaise qualité de l’air dans les écoles peut être associée à une plus grande incidence de l’asthme, que certains choix d’équipements peuvent favoriser l’activité physique, ou encore que la présence d’un potager dans la cour d’école est liée à une meilleure nutrition des élèves.

Des impacts environnementaux à considérer

La rénovation et la construction de bâtiments scolaires offrent également une opportunité de réduire les impacts environnementaux qu’ils génèrent, notamment au niveau de leur consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES) ainsi que des matières résiduelles générées lors des travaux de rénovation et de construction.

Le secteur des bâtiments – résidentiels, commerciaux et institutionnels – consommait, en 2017, près du tiers de l’énergie au Québec, et les énergies fossiles représentaient environ 30 % de cette consommation selon l’État de l’énergie au Québec 2020. Ce secteur représentait plus de 10 % des émissions de GES, ce qui en faisait le troisième plus important contributeur du Québec à ce chapitre selon le dernier Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre. Soulignons enfin que près de 80 % des émissions de GES des activités de l’État provenaient de son parc immobilier et les bâtiments scolaires généraient 25 % de ces émissions. 

Recyc-Québec estimait que le secteur de la construction générait, en 2008, environ le tiers des matières résiduelles de la province. De plus, 1,85 million de tonnes de matières résiduelles avaient été acheminées aux centres de tri de résidus de construction, de rénovation et de démolition (CRD) en 2015. Parmi les matières reçues dans les écocentres, 66% étaient composées de résidus de CRD, en 2015.

Notons aussi que le choix de l’emplacement d’une nouvelle école peut avoir des répercussions en matière d’environnement et de santé. Par exemple, une des directions de santé publique recommandait, en novembre 2014, à la Communauté métropolitaine de Montréal de limiter l’établissement de nouveaux bâtiments pour usages sensibles – dont les garderies et les écoles – à moins de 150 mètres des autoroutes et des voies à débit important, en raison des concentrations plus fortes de polluants atmosphériques et de leurs effets potentiels sur la santé des jeunes enfants.

Le choix d’un emplacement peut avoir un impact non négligeable sur les modes de transport utilisés pour se rendre à l’école et sur les conséquences environnementales qui en découlent. Les élèves sont plus enclins à utiliser le transport actif s’il est perçu comme sécuritaire. Selon l’Institut national de santé publique du Québec, plusieurs mesures peuvent être déployées pour accroître la sécurité des enfants piétons à proximité d’une école, comme les ralentisseurs (dos d’âne allongés) ou le rétrécissement de la largeur des rues. En outre, une étude sur le transport actif dans 397 écoles canadiennes, publiée en 2011 dans la Revue canadienne de santé publique, concluait qu’environ 42 % d’entre elles étaient situées sur des rues où la circulation se faisait à grande vitesse, ce qui ne convient pas au transport actif, et que 14 % n’avaient pas de trottoirs menant à l’école. 

Des immeubles certifiés 

Le rapport d’audit souligne l’importance d’envisager les coûts sur l’intégralité du cycle de vie d’un bâtiment. Pour faire en sorte qu’un bâtiment offre une bonne performance environnementale, les responsables peuvent le construire ou le rénover en respectant les exigences d’une certification environnementale. Plusieurs certifications existent, l’une des plus répandues étant la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design).3 Il est envisageable de viser une telle certification même pour des établissements publics : la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse demandent depuis 2008 que tous leurs nouveaux bâtiments publics, dont les écoles, obtiennent cette certification.  

Les édifices LEED ont fait l’objet de plusieurs analyses qui tendent à montrer qu’ils génèrent de nombreux bénéfices autres que la réduction des impacts environnementaux. Par exemple, une étude de Jean-Michel Domard et Paul Lanoie concluait, entre autres, que les organisations occupant des édifices « verts » peuvent faire des économies appréciables au niveau de leur facture énergétique, de leur facture d’eau et de leurs coûts de main-d’œuvre. De plus, il appert que les édifices « verts » favorisent la santé des élèves et leur capacité d’apprentissage en lecture, en écriture et en mathématiques. Par exemple, ces immeubles font généralement davantage appel à la lumière naturelle, ce qui rend les élèves plus alertes en classe.

Conclusion

Dans ce texte, j’ai souhaité faire ressortir l’importance de faire de nos écoles des bâtiments durables qui favorisent la réussite éducative et qui contribuent au bien-être des élèves et des intervenants qui y travaillent. Après tout, nos écoles sont des lieux d’une importance capitale, où nos enfants passent une grande partie de leurs journées. Ne méritent-ils pas toute l’attention nécessaire ? •


  1. Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2019-2020, Chapitre 4 : Bâtiments scolaires: qualité et disponibilité, Novembre 2019, en ligne : https://www.vgq.qc.ca/Fichiers/Publications//rapport-annuel//2019-2020-VGQ-nov2019//fr_Rapport2019-2020-VGQ-nov2019-ch04.pdf 
  2. Ce texte reprend les grandes lignes des observations du commissaire au développement durable contenues dans le chapitre 4 du Rapport du Vérificateur général du Québec de novembre 2019, en ligne : https://www.vgq.qc.ca/Fichiers/Publications/rapport-annuel/2019-2020-VGQnov2019/batiments_cdd.pdf 
  3. Pour se voir accorder une certification LEED, il faut obtenir un certain nombre de points dans différentes catégories de critères : localisation et transport, efficacité de l’utilisation de l’eau et de l’énergie, qualité des matériaux, qualité de l’air intérieur, etc.