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Inclusion des élèves

Contrer les stéréotypes sexuels pour favoriser la persévérance et la réussite scolaires


Sylvia Loranger
Chargée de projet Persévérer dans l’égalité
Réseau réussite Montréal

Un stéréotype sexuel se définit comme « l’attribution de rôles, de comportements ou de caractéristiques à des personnes en fonction de leur sexe, sans égard à leur individualité ». L’intériorisation des stéréotypes sexuels comme norme sociale, par des enfants, des jeunes ou des adultes, limite les possibilités de développement de ceux-ci, et ce, autant sur les plans personnel, social et scolaire que professionnel.

Des recherches[ref]L’ensemble des études et recherches citées dans cet article constituent la base du guide Persévérer dans l’égalité, coproduit par Réseau réussite Montréal. Les références complètes sont disponibles à la fin du guide.[/ref] effectuées dans de nombreux pays démontrent que les élèves qui adhèrent le plus aux stéréotypes sexuels sont celles et ceux qui décrochent le plus. De plus, les chances de réussite scolaire s’améliorent lorsqu’on diminue les références à ces stéréotypes

Prévenir la formation et l’intériorisation des stéréotypes sexuels est donc une façon de contribuer à la persévérance et la réussite de tous les élèves, en leur permettant de se réaliser pleinement, à la hauteur de tout leur potentiel. 

La genèse : la socialisation sexuée
De manière bien souvent inconsciente, les adultes ont des attentes et des attitudes différentes envers un enfant, selon qu’il soit fille ou  garçon, et ce, dès le plus jeune âge de celui-ci.

  • Par exemple, on attend d’un garçon qu’il soit plus actif, plus impulsif; qu’il utilise la force physique et qu’il s’intéresse davantage aux sports comme à la compétition.
  • À l’opposé, on attend d’une fille qu’elle soit plus calme, discrète; qu’elle soigne son apparence et qu’elle soit attentive aux besoins des autres.

On renforce ces comportements lorsqu’ils se présentent en les valorisant, ou parfois simplement en commentant gentiment « on ne peut pas t’empêcher de bouger, tu es un vrai garçon! ».

Ces attentes et codes stéréotypés (véhiculés par l’entourage, les images, les jouets, etc.) sont donc progressivement intériorisés par les jeunes enfants, et ce, tout au long de leur développement. C’est ce qu’on appelle la socialisation sexuée. Les enfants apprennent et reproduisent ainsi des comportements qu’ils perçoivent comme cohérents avec ces codes. 

Il importe cependant de préciser que cette intériorisation varie d’un individu à l’autre, et est corrélée à la scolarisation des parents (plus les parents ont un niveau d’études élevé, moins les enfants adhèrent aux stéréotypes sexuels). Les stéréotypes masculins étant plus valorisants, les garçons auraient tendance à y adhérer plus que les filles, à qui on présente des stéréotypes plus limitatifs. Il semble aussi que les enfants les plus vulnérables adhéreraient de façon plus forte à ces modèles de comportements stéréotypés, ce qui accentue cette vulnérabilité.

L’adhésion aux stéréotypes sexuels : des effets tout au long du parcours des jeunes
La socialisation sexuée amène les garçons et les filles à vivre l’école différemment. Des conséquences sont perceptibles tout au long du cheminement scolaire, et influent même sur les parcours de décrochage et de raccrochage scolaires. Par exemple :

  • Engagement scolaire – Les garçons qui intériorisent les codes sociaux de sexe sont amenés à être moins engagés à l’école (culture du jeu, de la transgression des règles; désir d’être au centre de l’attention);
  • Activités parascolaires – Les activités physiques et sportives sont plus souvent proposées aux garçons et les activités artistiques et socioculturelles aux filles. En conséquence, à partir de 12 ans, les filles diminuent graduellement la pratique des sports et loisirs, tandis que les garçons demeurent plus actifs que les filles, quel que soit leur groupe d’âge.
  • Parcours de décrochage – Au Canada en 2002, quatre fois plus de jeunes femmes que de jeunes hommes ont déclaré avoir quitté l’école pour des raisons personnelles (soins des enfants, problèmes de santé, problèmes à la maison), tandis que deux fois plus de jeunes hommes que de jeunes femmes ont déclaré avoir décroché par désir ou besoin de travailler.

De plus, des inégalités se dessinent de façon claire entre les femmes et les hommes pour les jeunes qui décrochent : en 2014 au Québec, la rémunération moyenne des femmes sans diplôme d’études secondaires est de 21 845 $, alors que celle des hommes dans la même situation est de 34 585 $. Cela signifie que, bien que le décrochage scolaire pénalise lourdement l’ensemble des décrocheurs, les filles sont encore plus désavantagées sur le plan socio-économique.

Des pistes pour agir

Auprès d’adultes

  • Faire face à ses propres perceptions et préjugés sexistes que l’on reproduit souvent sans s’en rendre compte et s’interroger sur ses propres attitudes, attentes et comportements sur la question égalitaire fille-garçon
  • Former des groupes de discussion sur ses pratiques et réfléchir sur ses conceptions de l’éducation gars-filles en lien avec les stéréotypes sexuels, notamment, entre les membres de l’équipe-école (personnel de direction, personnel enseignant et non enseignant) ainsi qu’entre les membres du conseil d’établissement
  • Promouvoir des modèles d’hommes et de femmes non traditionnels

Auprès des enfants et des jeunes

  • Faire des activités sur l’influence des stéréotypes sexuels, particulièrement auprès des garçons qui y adhèrent davantage
  • Favoriser des jeux, des sports et des activités mixtes chez les enfants et les jeunes, former des équipes mixtes dans les activités parascolaires

Conclusion
Diminuer l’adhésion aux stéréotypes sexuels, c’est donc permettre aux filles et aux garçons d’être qui ils sont; de prendre conscience de leurs talents, de leurs aptitudes et de leurs intérêts personnels; de profiter de rapports plus égalitaires et de développer leur plein potentiel, tout en favorisant leurs chances de réussite.

Pour en savoir plus
Le présent article s’est inspiré d’un outil développé par Réseau réussite Montréal et Complice – Persévérance scolaire Gaspésie-Les Îles. En 2016, ces deux organismes ont collaboré pour produire Persévérer dans lʼégalité ! Guide sur lʼégalité filles-garçons et la persévérance scolaire. Ce guide dresse un état des lieux des savoirs et propose des pistes d’action pour prévenir la formation et l’intériorisation des stéréotypes sexuels afin d’améliorer l’efficacité des initiatives visant la persévérance scolaire des filles et des garçons.

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