Magazine Savoir FCSSQ

Rêvons l'école !

L’école au cœur de sa communauté : des approches gagnantes pour la rapprocher de son milieu

Mélanie Fortier
Conseillère en analyse
et en développement
à la FCSQ

L’atelier L’école au cœur de sa communauté était animé par Mathieu Sage, directeur des programmes et soutien aux communautés pour Passeport pour ma réussite Québec. Ce fut l’occasion pour les participants de faire des liens entre leur vécu, leurs réussites, leurs perceptions et l’expérience du conférencier. Dans un premier temps, les perceptions des milieux scolaire et communautaire l’un envers l’autre ont été nommées.

Passeport pour ma réussite (https://www.passeportpourmareussite.ca/) est un organisme pancanadien qui a pour mission de briser le cycle de la pauvreté grâce au pouvoir de l’éducation. Il fournit des ressources et un réseau de soutien aux jeunes issus de communautés à faibles revenus pour leur permettre d’obtenir leur diplôme et de préparer leurs projets d’avenir. Cet accompagnement se fait tout au long du parcours secondaire et se décline en quatre types de soutien : scolaire par du tutorat; personnalisé par l’entremise de conseillers-ressources parents-élèves qui aident à faire le lien entre l’école et les parents; social par du mentorat de groupe de spécialités ou de carrières et, enfin, par un soutien financier immédiat et par des bourses d’études postsecondaires. Au Québec, le programme est disponible dans six communautés et un millier de jeunes en profitent.

Les organismes porteurs du programme Passeport au Québec n’ont d’autres choix que de l’adapter aux particularités des élèves québécois, notamment en raison de l’âge auquel ils commencent le secondaire, de même qu’à celles de la région ou du quartier dans lequel il est implanté. Pour ce faire, l’organisme porteur dresse un portrait statistique et un portrait de la communauté avant d’y intégrer la vision de Passeport pour ma réussite. Évidemment, un projet aussi complémentaire aux efforts du réseau scolaire ne peut se réaliser sans l’appui de ce milieu. Mathieu Sage a donné l’exemple d’un directeur de l’école secondaire qui a été sensibilisé au programme. Celui-ci a par la suite mobilisé son équipe-école et sa commission scolaire. Des ententes pour le partage des données recueillies ont alors été établies, notamment concernant l’accès aux données du bulletin des élèves participant au programme. Le lien de confiance et la communication sont au coeur de la réussite, tout comme les clés du succès sont la transparence et le respect des rôles de chacun. En effet, il importe d’établir des liens avec tous les acteurs de la communauté et de mobiliser ces derniers autour d’une cause commune qui regroupe l’école, les jeunes, les parents, les organisations communautaires et les instances politiques.

Après avoir préalablement sondé des collègues du secteur communautaire, Mathieu Sage a demandé aux participants de s’exprimer sur la perception qu’ils croient être celle du milieu communautaire envers le milieu scolaire. En résumé, le milieu communautaire considérerait le milieu scolaire comme un château fort bien difficile à pénétrer. À l’inverse, le milieu scolaire jugerait le milieu communautaire comme mal organisé et à la recherche de clients. La réalité est tout autre. Les nombreux exemples de réussite cités impliquant une collaboration fructueuse entre les deux milieux prouvent qu’ils travaillent bien ensemble et souhaitent répéter l’expérience dans le meilleur intérêt des élèves. Tous reconnaissent la valeur ajoutée de cette collaboration. À la fin de cet atelier, les participants étaient unanimes : le milieu scolaire est ouvert à collaborer avec le milieu communautaire. Il est apparu une nécessité pour le milieu communautaire de se faire connaître davantage, et pour les deux milieux de développer un langage commun. Un langage qui permettrait de mieux comprendre les réalités de l’un comme de l’autre dans un réel esprit d’ouverture et de faire tomber les fausses perceptions.

Comme point de départ et pour faciliter la mobilisation de la communauté, l’école doit dresser la liste de ses besoins, en complémentarité avec les services qu’elle offre. Les organismes communautaires pourront ensuite voir comment y répondre grâce à une analyse semblable de leurs besoins et services afin de s’assurer qu’ils s’alignent de part et d’autre. Les communications franches et ouvertes favorisent la compréhension commune de la réalité des élèves et des raisons qui amènent les deux milieux à vouloir travailler ensemble.

Atelier présenté par Mathieu Sage lors du congrès 2017 de la FCSQ

Bien qu’aucune recette miracle n’existe pour assurer une bonne collaboration entre les organisations, certaines conditions doivent être présentes. Les participants ont ainsi pu échanger et réfléchir sur les facteurs favorables ou nuisibles à l’établissement d’une telle coopération entre les milieux scolaire et communautaire, dont ceux-ci, considérés comme essentiels :

  • avoir un objectif commun,
  • répondre à un besoin exprimé par le milieu,
  • établir de bons canaux de communication,
  • respecter les mandats et les interventions de chacun,
  • et surtout, se porter une confiance mutuelle.

La communauté apprécie particulièrement lorsque l’école identifie un interlocuteur pour s’adresser à elle, permet l’utilisation de ses locaux et de sa cour, ainsi qu’aux intervenants communautaires de participer à des rencontres internes. De son côté, le milieu scolaire est sensible aux organismes communautaires crédibles et à l’établissement de relations durables basées sur la confiance. Il mesure également la valeur d’un organisme qui fait le pont entre la famille et l’école, par exemple quand une expérience négative teinte l’approche du parent avec l’école de son enfant. Dans ce genre de situations, l’intervention d’un intermédiaire extérieur au milieu scolaire peut contribuer à rétablir la relation de confiance.


Le manque de temps et de financement, le mouvement de personnel et le nombre d’organismes communautaires visant la clientèle scolaire sont tous des facteurs qui gênent l’établissement de liens durables et d’une bonne collaboration entre ces deux réseaux.

Le continuum élaboré par Arthur Himmelman en 2002 distingue différentes formes de collaboration entre des organisations. Il démontre bien que pour que chaque acteur en ressorte gagnant, l’investissement de temps est essentiel.

Le continuum comprend différents niveaux, soit le réseautage, la coordination, la coopération et la collaboration. Chaque niveau contribue au développement du suivant et aucun n’est plus important qu’un autre. Les  stratégies mobilisées sont cependant différentes selon le but poursuivi et la confiance se construit à travers les niveaux. Plus on avance dans le continuum, plus on investit du temps dans les relations établies, et plus on partage de ressources. Atteindre le niveau supérieur de collaboration demande ainsi du temps et permet de développer un langage commun, tout comme l’adhésion à un but commun.

Le véritable point de départ et élément essentiel à la réussite est la volonté. Lorsque la volonté de partenariat y est, que les personnes impliquées sont en mesure d’y consacrer du temps, sont crédibles (savent de quoi elles parlent), ont la capacité de bâtir des relations (par exemple, si elles ont réussi d’autres partenariats auparavant) et de se mettre en action, tout est possible !

Pour conclure, les commissaires se sont questionnés sur leur rôle dans l’établissement de partenariats enrichissants. Il ressort de leur réflexion que leur fonction leur permet d’être des facilitateurs, de représenter en quelque sorte la porte d’entrée au sein de la commission scolaire pour les organismes communautaires. Leur implication auprès de ces derniers favorise d’ailleurs le déploiement de services intéressants dans la communauté. •