Les enjeux et les défis d’adaptation
Louis-Antoine Côté, conseiller en relations
du travail à la FCSQ
Depuis plusieurs années, les commissions scolaires font face à de nombreux défis. Qu’il s’agisse de coupes budgétaires importantes, d’ingérence politique ou législative dans les décisions locales, alimentées par une perception de lourdeur bureaucratique, d’une pression sans cesse croissante à la réussite éducative ou d’enjeux relatifs à l’attraction et à la rétention de main-d’oeuvre, ces défis sont de taille. Comment se positionner favorablement afin de les relever ? Revoir nos façons d’organiser certains processus de travail peut-il faire partie de la solution ? C’est la prétention de l’organisation du travail 3.0, une philosophie d’amélioration continue des processus de travail, dans l’optique de faire mieux avec les mêmes ressources, sans pour autant sacrifier le bien-être des employés.
Quoi ?
Est-il question ici de l’approche Lean ? Nous ne pouvons que répondre par l’affirmative à cette question. Cela dit, certaines comparaisons malheureuses et perceptions négatives sont souvent empreintes de méconnaissance. Il est donc important de mentionner que l’approche mise en oeuvre présentement dans certaines commissions scolaires repose sur des assises essentielles, en dissonance avec certaines perceptions négatives non fondées :
- Impliquer les employés dans la recherche de solutions tant pour améliorer leur satisfaction et leur bien-être au travail que l’efficience de l’organisation;
- Placer l’utilisateur du service au coeur des préoccupations et des démarches de réflexion;
- Éliminer certaines tâches redondantes, sans impact réel, afin de rendre le travail plus signifiant et plus efficient (coût, temps, énergie);
- Travailler dans l’optique de revoir la façon d’accomplir le travail, non pas dans le but de réduire le personnel sous réserve de l’attrition, mais plutôt dans un spectre allant de l’enrichissement des tâches sous l’angle qualitatif au redéploiement de ressources.
Comment ?
L’approche proposée est de revoir l’organisation du travail, un processus à la fois, afin d’en éliminer les tâches non essentielles et sans valeur ajoutée à l’intérieur des limites prescrites par les conventions collectives ou autres encadrements légaux, dont le respect est impératif. Une organisation de la taille d’une commission scolaire compte plusieurs centaines de processus; certains simples, à l’instar du paiement de factures, d’autres plus complexes, comme la gestion de l’assiduité au travail.
Afin d’assurer le succès et la crédibilité de la démarche à court terme, ainsi que sa pérennité à moyen et long termes, certaines recommandations s’imposent :
- Choisir avec grand soin les processus à revoir, ce qui est encore plus fondamental à l’occasion des premières démarches entreprises;
- Appuyer la démarche par des faits et gestes de l’équipe de direction de la commission scolaire, lorsqu’elle est concernée, car pour en assurer le succès, l’intention doit céder le pas à l’engagement;
- Impliquer les employés, tant sur les plans de la réalisation du projet, de la détermination des problèmes et des préoccupations relatives à un processus que dans la recherche de solutions;
- Viser des actions et des solutions simples et peu coûteuses à mettre en place.
La portée du présent texte étant davantage de l’ordre de l’aperçu, nous vous recommandons de consulter la recherche Démarches d’implantation de l’approche Lean dans la gestion de l’éducation : vers de meilleurs services à moindre coût ?, publiée dans la Revue canadienne de l’éducation. Cette recherche, disponible à l’adresse journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/viewFile/1660/1692 pour consultation, vous fournira de plus amples détails sur la mise en oeuvre de cette philosophie de réorganisation du travail.
Qui ?
À notre connaissance, à ce jour, cinq commissions scolaires ont appliqué cette approche de révision de processus de travail à des degrés variables. Faute d’une masse critique de résultats de recherche probants sur le sujet dans le réseau de l’éducation, il faut se garder de l’aborder avec trop d’enthousiasme. Cependant, les entretiens que nous avons tenus avec certains applicateurs de l’organisation du travail 3.0 sont tels qu’il nous est possible d’entretenir un préjugé favorable à son égard. Effectivement, au-delà des gains constatés en efficience, une amélioration intéressante quant à la satisfaction au travail a été observée auprès des gens ayant contribué à la révision du processus qu’ils animaient.
Conclusion
Avec un optimisme prudent, nous sommes d’avis que la révision de certains processus de travail peut aider les commissions scolaires à faire face aux nombreux défis auxquels elles sont confrontées. À cet égard, la méthode Lean, appliquée de façon respectueuse et conforme aux assises et aux recommandations formulées, peut s’avérer un véhicule de transformation porteur pour tous. À tout le moins, elle mérite qu’on lui accorde un moment de réflexion, car avec le bon niveau d’engagement, révision des processus et gestion humaine des ressources peuvent aller de pair. •