L’école rêvée de Fred Pellerin
L’auteur-compositeur et interprète, Fred Pellerin
C’est l’auteur-compositeur-interprète Fred Pellerin qui a donné le coup d’envoi du 49e Congrès de la FCSQ, Rêvons l’école, le 2 juin dernier à Laval. En prenant comme point d’ancrage l’histoire de l’école du village de Saint-Élie-de-Caxton, ce conteur hors pair a invité les participants à voir grand pour l’école de demain et à la façonner à l’image de la communauté qui l’entoure. La FCSQ l’a rencontré après sa conférence.
C’est avec enthousiasme que Fred Pellerin s’est adressé aux congressistes… même s’il n’a pas l’habitude de prendre la parole en public de si bonne heure, comme il l’a lui-même souligné. Fidèle à son habitude, c’est à travers l’histoire de son village que l’auteur-compositeur-interprète a transmis l’idée qu’il se fait de l’école idéale.
Fred Pellerin a donc raconté comment un village dévitalisé, qui s’inquiétait de la fermeture éventuelle de son école primaire composée de quelques classes multiâges, a décidé de la placer au coeur du développement de la communauté. Comme l’exprime le coloré conteur, chacun a mis la main à la pâte :
« Monsieur Maurice, qui fait ses racks à vélo à Saint-Élie pour les enfants de l’école du village, lui, c’est pu juste un monsieur qui bizoune dans sa shed. C’est le monsieur qui fait des racks à vélo pour l’école de Saint-Élie. Donc, tout à coup, ses outils reprennent un sens, reprennent une implication sociale, reprennent un dynamisme, reprennent une vocation communautaire. Il est reconnu par les enfants du village. »
Selon Fred Pellerin, des projets qui prennent l’école comme point d’ancrage sont porteurs parce que cette dernière a la vertu d’être rassembleuse :
« À partir du jour où on se permet de rêver l’école, à partir du jour où on pousse des audaces, où on ose y aller à tâtons sur des choses où on n’oserait pas nécessairement y aller si c’était dans le sens de signes de piastres ou autres, mais si on se permet de rêver et d’aller plus loin dans cette affaire-là, on risque fort de créer du sens et que ce sens-là risque fort de dépasser les frontières de l’école et de donner du sens aux communautés, et à plus grand que les communautés proches, même. »
Et même s’il déplore que l’expression soit devenue un peu clichée, il rappelle que l’école façonne les adultes de demain :
« Il y a là la pépinière de ce que sera l’humanité de demain. Si on la fait grande, belle, libre, allumée, folle, ouverte, ce sera la société qu’on aura demain. Je trouve qu’il y a là le moyen de se promettre de belles affaires ! »
Si les habitants de Saint-Élie-de-Caxton ont réussi à revitaliser leur village et leur école sur la base d’un projet touristique axé autour de la parole, il revient à chaque communauté de trouver les ingrédients qui fonctionneront pour elle, précise Fred Pellerin :
« La force qu’on a, c’est qu’on a trouvé des éléments sur lesquels la population est unanime, et je crois qu’une grande part de cette unanimité réside dans le fait que ce sont des trucs désintéressés. C’est pas pour apporter à personne. C’est des trucs qui rapportent à tout le monde, donc c’est dur de saborder le bateau quand t’es assis dedans. Et l’école fait partie de ces projets-là. Après, on a développé sur des spécificités, sur des choses qui nous appartiennent en propre, qu’on peut facilement défendre parce qu’on a axé notre développement sur la parole, et ça, les gens du village, il la partage : c’est un village de placoteux. C’est pas un truc qu’on nous a mis et on a dit on va essayer de se développer autour de ça. C’est quelque chose qu’on a en dedans de nous; qu’on porte déjà. Après, c’est dur d’avoir à faire semblant. C’est pas un personnage qu’on t’invente : c’est toi qui es dedans. Nous, on l’a créé à l’échelle du village et l’école fait partie de cette équation-là. Qu’est-ce qui nous définit ? Qu’est-ce qui nous unit ? Qu’est-ce qui nous rend forts ? Qu’est-ce qui nous donne envie de marcher ensemble ? Le jour où on trouve ces affaires-là, ça donne une swing, ça donne du sens et c’est difficilement touchable après, car les gens se fédèrent autour de ça. »
Quoi qu’il en soit, Fred Pellerin est confiant en l’avenir de l’école publique québécoise, pourvu que les citoyens se l’approprient :
« Il faut la prendre à bras-le-corps; il faut l’habiter; il faut l’occuper. Ce qui m’énerve, c’est quand on fait de l’éducation un truc politique et un nanan électoral. Ce qu’il faut faire, c’est arrêter d’attendre. Faut y aller, faut s’en occuper, s’indigner, se fâcher. Faut s’investir dedans comme citoyen et pas attendre tout le temps. Le jour où cette roue-là part, ça va être difficile d’en faire un bonbon, car ça va nous appartenir à tout le monde. Nous, c’est le chemin qu’on a choisi de prendre et quand on essaie de manigancer, de se faire du crédit d’une façon ou d’une autre sur notre école, on est nombreux à dire : “Non. C’est notre projet !” » •