Engouement pour l’autobus électrique
Le jaune n’est plus l’unique couleur si caractéristique des autobus scolaires. Depuis un an, certains des autobus scolaires qui transportent les élèves québécois ont quelques éléments de carrosserie peints en bleu ciel. Ce sont des autobus électriques qui sont ainsi identifiés afin de ne pas être confondus avec des véhicules diésel.
Pour l’entreprise Autobus Lion, qui est un pionnier dans la fabrication d’autobus scolaires électriques au Québec, l’autobus scolaire est l’application parfaite pour l’électrification des transports, comme l’explique Marc-André Pagé, directeur du développement des affaires de l’entreprise : « avec le transport électrique, il y a toujours une préoccupation pour l’autonomie, surtout pour une voiture, car on ne fait jamais le même trajet. Mais un autobus scolaire fait toujours le même circuit, avec le même nombre d’arrêts, puis retourne au garage ou à la commission scolaire jusqu’à la sortie du dîner ou de l’après-midi. Alors on a toujours assez de temps entre les deux sorties pour recharger le véhicule. Il n’y a pas d’inconnu dans le transport scolaire comparativement à nos voitures ou au transport de marchandises. »
UN PROJET-PILOTE AUX QUATRE COINS DU QUÉBEC
C’est ce qui a motivé l’entreprise de Saint-Jérôme à se lancer dans la fabrication d’un prototype d’autobus scolaire électrique en 2012, avec l’appui financier du gouvernement du Québec. Une fois le prototype testé, l’entreprise a fabriqué six véhicules supplémentaires dans le cadre d’un projet-pilote aux quatre coins du Québec, afin notamment de s’assurer qu’ils pouvaient résister à la rigueur de l’hiver : « on en a envoyé à Alma, à Saint-Georges, à Laval, qui a eu le premier, pour avoir les commentaires des chauffeurs, des mécaniciens, des opérateurs, des commissions scolaires, pour savoir ce qui fonctionnait bien et ce qui devait être ajusté en vue de la commercialisation du véhicule, parce que c’est important de parler aux bonnes personnes, comme le chauffeur qui passe huit heures assis dans l’autobus. »
Un des défis a été le système de recharge des piles électriques. Autobus Lion a travaillé de concert avec certains transporteurs afin de développer des bornes de recharge et des infrastructures de recharge capables de répondre aux besoins du transport scolaire, car contrairement aux voitures, les autobus scolaires nécessitent une charge quotidienne. Un autre défi s’est présenté quant à la sécurité des élèves, car les autobus scolaires électriques sont silencieux. Pour y remédier, un son est projeté à l’extérieur lorsque le véhicule roule à moins de 30 km/h, afin que les élèves qui se trouveraient aux abords de l’autobus puissent l’entendre.
Mais cette absence de bruit a aussi des effets bénéfiques comme l’a constaté Louise Lortie, présidente de la Commission scolaire de Laval, qui compte maintenant trois autobus scolaires électriques sur son territoire : « C’est un avantage tant pour les citoyens, pour le bruit extérieur, mais aussi à l’intérieur du véhicule, pour la discipline, puisque le chauffeur n’a pas besoin d’élever la voix pour être entendu parce que qu’il n’y a pas de bruit. »
Le projet-pilote a été très concluant et une fois complété, la production d’autobus scolaires électriques a atteint sa pleine capacité de production en janvier 2016. Il y a maintenant près d’une cinquantaine de ces véhicules qui sont sur les parcours scolaires de la province. Le Québec est donc un pionnier en la matière, mais déjà d’autres provinces canadiennes et des villes américaines souhaitent emboîter le pas, car l’expérience québécoise est un succès.
Pour Marc-André Pagé, ce succès est dû en grande partie à la synergie entre les acteurs concernés qui y voient tous une voie d’avenir, comme en témoigne Louise Lortie : « Je pense que c’est une voie d’avenir l’autobus électrique. À Laval, nos autobus scolaires font plus de kilométrages que la société de transport de la ville et il y a beaucoup de pollution générée lorsque ça fonctionne au diésel. » La commission scolaire va donc analyser la pertinence d’imposer un quota d’autobus électriques pour les prochains contrats de transport, mais la présidente souligne du même souffle que cette décision se prendra en partenariat avec les transporteurs, puisqu’il peut s’agir d’investissements importants pour eux.
DES AVANTAGES AU-DELÀ DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Le transporteur Yves Séguin et fils, qui transporte les élèves de la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, vient d’acheter son premier autobus scolaire électrique. Pour le directeur général, Jeff Séguin, c’est d’abord un choix environnemental, plutôt que financier, mais il est lui aussi convaincu que c’est la voie de l’avenir. « Je voulais faire ma part pour l’environnement, mais je suis personnellement convaincu qu’on s’en va vers l’électrification des transports de toute façon. » Pour l’instant, l’expérience est très concluante et M. Séguin envisage d’inclure un ou deux autobus électriques dans sa flotte par année. Parmi les avantages, il y a l’entretien des véhicules qui est beaucoup plus simple et il constate que l’autobus électrique incite les chauffeurs à mieux conduire : « Ils sont plus sensibles à la conduite parce qu’ils sont conscients qu’ils ont un certain pourcentage de batterie. Donc, comme ils ne veulent pas tomber en panne, ils font attention à leur conduite; ils se prennent d’avance pour freiner, accélèrent moins vite. Ils sont conscients qu’une mauvaise conduite diminue plus rapidement la charge de la batterie, donc ils prennent leurs responsabilités. »
Mais si la première phase de développement des autobus scolaires électriques a été un succès, il y a une certaine incertitude présentement quant au succès de la deuxième phase, qui est tributaire, selon M. Pagé, du renouvellement des contrats entre les transporteurs et les commissions scolaires. «Le prix à l’acquisition est plus élevé, mais il va y avoir des économies. Alors il faut rentabiliser l’achat dans la période de contrat scolaire donc il faudrait peut-être faire un contrat plus long pour l’autobus scolaire électrique. Ce serait une belle façon d’encourager l’électrification. »
Des propos partagés par Jeff Séguin qui souhaiterait également que la technologie continue de s’améliorer afin d’augmenter l’autonomie des véhicules et de diminuer le temps de recharge.
Quoi qu’il en soit, la subvention du gouvernement permet la fabrication de 48 autobus scolaires électriques par année jusqu’en 2020, et le directeur du développement des affaires chez Autobus Lion est confiant d’atteindre cet objectif. Il est aussi d’avis que le succès de l’expérience va amener le gouvernement à renouveler le programme de subvention. Selon Marc-André Pagé, 90 % des circuits scolaires au Québec pourraient être renouvelés en mode électrique. Pour l’instant, l’entreprise travaille sur le développement d’un minibus scolaire électrique d’ici un an.
QUELQUES CHIFFRES SUR LE TRANSPORT SCOLAIRE
Plus de 500 000 élèves transportés, 10 000 autobus scolaires, incluant les véhicules adaptés et près d’un million de km parcourus. •
DONNÉES TECHNIQUES SUR L’AUTOBUS ÉLECTRIQUE
- Autonomie de 90 à 150 kilomètres (selon le nombre de batteries)
- Réduction d’environ 23 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par année comparé à un autobus standard
- Coût : environ 285 000 $ (sans la subvention provinciale)