Une culture scientifique pour toute la vie
Kiosque du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie et environnement aquatique, au Parc Lafontaine (Montréal) – 24 heures de science 2016
La culture scientifique est une lumière indispensable dans nos sociétés pour aiguiser l’esprit critique, la conscience sociale et environnementale. Elle peut même être une arme de protection massive contre ce chemin de l’obscurantisme qui semble séduire une certaine jeunesse. – Boucar Diouf
Ces sages paroles insérées dans un mémoire des organismes de culture scientifique sur la Stratégie québécoise sur la recherche et l’innovation prennent tout leur sens dans ce numéro de Savoir consacré à la culture à l’école. En effet, la culture scientifique est indissociable de la culture générale et elle est essentielle au bien-être de l’individu et au progrès de la société. Elle s’acquiert dès le plus jeune âge et se nourrit tout au long de la vie, si l’on a donné la chance au jeune de développer sa curiosité pour toutes les facettes de la science.
QU’EST-CE QUE LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE ?
Posséder une culture scientifique, c’est vivre la science au quotidien. C’est avoir acquis un bagage de connaissances qui permet de faire des choix santé, de se comporter d’une façon responsable comme citoyen et consommateur et de porter des jugements éclairés sur les débats de société. Acquérir une bonne culture scientifique est un atout incontournable au XXe siècle. Alors que nos ancêtres étaient bien souvent illettrés tout en faisant des affaires et en exploitant des fermes et des ateliers, nous ne pouvons de nos jours faire l’économie d’un minimum de connaissances scientifiques.
Au-delà de la lecture et de l’écriture, il faut développer chez les jeunes une littératie scientifique qui leur permettra d’apprendre à poser les bonnes questions et démasquer les statistiques trompeuses et les campagnes de désinformation motivées par la recherche de profits ou par des causes idéologiques.
Grâce à notre culture scientifique, nous avons appris à déchiffrer les étiquettes de produits alimentaires, compris la différence entre les conditions météorologiques et les changements climatiques et avons été sensibilisés aux énergies vertes et renouvelables pour privilégier des modes de transport écoresponsable. Les jeunes sont souvent plus motivés que leurs parents par les nouvelles technologies ou en matière d’environnement par exemple, mais ils ont besoin de maîtriser des notions scientifiques multidisciplinaires pour bien comprendre les enjeux.
PASSION ET ÉDUCATION – UN DUO GAGNANT
La culture scientifique devrait être perçue et développée comme une compétence transversale dès le primaire et au secondaire, tout comme on favorise l’apprentissage de la langue écrite et orale dans toutes les matières au programme. Les enseignants eux-mêmes n’ont pas tous eu la chance d’avoir la piqûre de la science dans leur jeunesse, d’où le défi de rassembler les conditions gagnantes pour valoriser la culture scientifique et technique et innovante. Cependant, nul doute que plusieurs savent y insuffler plaisir et émotion et communiquer avec passion les mystères de la chimie et de la physique ou la beauté des sciences naturelles.
Le Québec se distingue pour la qualité de ses médias, écrits et électroniques, de vulgarisation scientifique. Les magazines scientifiques adaptés à différents groupes d’âge que sont Les Débrouillards, Les Explorateurs, et l’unique magazine pour ados, Curium, sont des « best-sellers » et plusieurs enseignants les utilisent en classe pour aborder et stimuler la culture scientifique de leurs élèves. Les Expo-sciences et autres défis tels les rencontres des Scientifines sont des activités très appréciées des jeunes. Tout en leur permettant d’acquérir des notions scientifiques, elles leur permettent d’en comprendre concrètement les applications au quotidien.
Les programmes enrichis en science ont prouvé leur efficacité, même s’ils ne sont pas offerts dans toutes les régions. Ainsi le Programme enrichi au parcours scientifique (PEPS) offert à l’école secondaire du Chêne-Bleu de la Commission scolaire des Trois-Lacs rassemble dès la sortie du primaire un groupe d’élèves qui suivront ensemble un parcours scientifique avec des objectifs précis conditionnels au maintien de sa place dans le programme. Un modèle exemplaire pour réduire le décrochage, particulièrement en science.
Il faut aussi continuer à stimuler l’intérêt des filles et des jeunes garçons et tout mettre en œuvre pour que l’école ne rebute pas les jeunes face aux sciences et au savoir.
LES PARTENAIRES EN CULTURE SCIENTIFIQUE
L’expertise des organismes québécois de culture scientifique à communiquer la science de façon ludique et passionnante est reconnue mondialement et doit davantage être mise à profit dans le réseau scolaire. Les projets scolaires du Cœur des sciences, telles Les grandes enquêtes scientifiques, proposent notamment des activités originales basées sur la découverte du travail de terrain et sur la démarche scientifique. Destinées aux élèves du secondaire, elles sont disponibles également en vidéoconférence.
Le Centre de démonstration en science physique (CDSP) du Cégep Garneau à Québec a développé une expertise unique pour présenter la science en sollicitant autant l’intelligence que les émotions. Il offre aussi du matériel pédagogique original pour reproduire aisément des expériences en classe qui s’inscrivent dans le cadre des programmes de formation réguliers.
Le Réseau Technoscience (anciennement Conseil de développement du loisir scientifique) a des antennes dans plusieurs régions du Québec. Il a produit plusieurs trousses et valises pédagogiques et gère le programme Les innovateurs à l’école qui permet des rencontres avec des scientifiques et des professionnels oeuvrant dans un domaine technique. Ces derniers ont souvent développé, puis nourri leur intérêt pour les sciences par la lecture de magazines de science, des visites aux musées, ou des ateliers scientifiques. Ils transmettent à leur tour cette passion à leur entourage et aux jeunes qu’ils côtoient.
La liste des initiatives est encore longue : pensons aux animateurs dans les parcs de la SÉPAQ, au complexe scientifique Espace pour la vie à Montréal (Jardin botanique, Biodôme, Planétarium et Insectarium) ou encore au 24 heures de science organisé par Science pour tous qui inclut un volet scolaire fort populaire. Signalons aussi que le secteur de la recherche en éducation consacre beaucoup d’efforts à contrer la désaffection à l’égard des sciences. Les travaux de la Chaire de recherche sur l’intérêt des jeunes à l’égard des sciences et de la technologie, menés conjointement à l’UQÀM et à l’Université de Sherbrooke avec des commissions scolaires partenaires, favorisent la création et le partage de stratégies gagnantes pour rehausser l’intérêt des jeunes à l’égard des sciences.
S’ADAPTER EN CONTINU DANS UN MONDE EN CHANGEMENT
Malgré les risques de décrochage, particulièrement en science, la grande majorité des jeunes naviguent aisément dans un univers numérique que les générations précédentes peinent parfois à apprivoiser. Les jeunes démontrent leur formidable capacité à s’adapter à un monde en continuel changement où la maîtrise des nouvelles technologies, telles que la téléphonie cellulaire intelligente, les GPS et la domotique, est essentielle. Ils ont ainsi développé des habiletés qui pourraient fort bien être mises à profit dans plusieurs
programmes scolaires de nature technique et scientifique. Le système d’éducation doit aussi favoriser le développement de compétences comme la polyvalence, l’intelligence, l’adaptabilité et le sens critique.
Du côté du monde de la culture scientifique, la situation a été difficile ces dernières années. Comme plusieurs, les organismes de diffusion de la culture scientifique ont subi des compressions et l’abolition de programmes de financement. Ils jouent pourtant un rôle capital et demeurent des partenaires clés pour le monde de l’éducation avec qui ils souhaitent poursuivre les collaborations et l’échange d’expériences positives et de facteurs de succès pour donner la meilleure des chances aux jeunes de vivre, de se réaliser
et d’être heureux dans un monde technologique et scientifique dont on ignore encore de quoi il sera fait quand ils seront eux-mêmes adultes, tant l’accélération des changements est grande.
LE MOT DE LA FIN
En terminant, je voudrais citer Mme Lise Bissonnette qui intervenait comme personnalité invitée dans une série publiée dans Le Devoir sur les enjeux et l’avenir de l’éducation au Québec.
« L’éducation n’est pas un simple outil de développement économique et d’accès à l’emploi, elle devrait être une démarche pour arriver à une compréhension du monde, de son histoire, de son présent et de sa destination. (…) La tâche de l’école n’est pas d’abord de multiplier les sorties en vue de former les futurs consommateurs de produits culturels, comme le réclame un milieu associatif affamé. Elle est de donner accès, d’offrir en propriété, les références culturelles, scientifiques, historiques qui permettront à chacun de penser sans recourir au téléphone. Cela se fait par des programmes, faut-il le rappeler ? Leur rehaussement est loin d’être achevé. » •
Centre de démonstration en sciences physiques (Québec) – 24 heures de science 2016
Foire des sciences du l’Université de Montréal (Montréal) – 24 heures de science 2016