Magazine Savoir FCSSQ

Décembre 2016 - Dossier spécial sur la culture à l'école

La musique aux enfants, un projet unique et novateur

Entrevue avec Maxime Lataille, chef, projets spéciaux en éducation et adjoint aux affaires gouvernementales à l’Orchestre symphonique de Montréal
| Par Propos recueillis par Caroline Lemieux, attachée de presse à la FCSQ

logo_osmLe 30 novembre dernier, le projet de prématernelle et de maternelle musicales La musique aux enfants était officiellement lancé. Imaginé par Kent Nagano, ce projet unique et novateur a été développé par l’Orchestre symphonique de Montréal en collaboration avec la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île et l’Université de Montréal.

L’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) est impliqué dans le domaine de l’éducation musicale depuis sa fondation et multiplie, depuis quelques années, les initiatives pour rapprocher la musique du public, avec des concerts donnés dans les parcs par exemple. Le projet de La musique aux enfants, qui se déploie à l’école Saint-Rémi Annexe de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, est un pas de plus dans cette direction :

« L’idée de M. Nagano c’était vraiment de s’ancrer, donc comment, mis à part toutes ses belles initiatives, comment donner accès à l’apprentissage musical plus directement et à chaque jour de façon un peu plus intensive. Donc c’était l’idée de Kent Nagano, de voir comment on peut par un programme, qui est un projet-pilote, changer le parcours des enfants et avoir un impact positif sur l’ensemble de la communauté ». L’idée, qui a germé il y a un peu plus de deux ans, a été accueillie avec enthousiasme dès le départ par la commission scolaire et d’autres partenaires :

« Dès nos premières rencontres avec eux, il y avait vraiment une volonté de travailler ensemble et le projet, qui en était à ses balbutiements, a été présenté à Je vois Montréal, qui s’est inscrit directement dans l’initiative Adoptez une école, qui à l’époque était mise de l’avant par deux organisations, Réseau réussite Montréal et Fusion Jeunesse. Donc, la commission scolaire et l’OSM étaient déjà partenaires à ce moment-là ».

Des chercheurs de l’Université de Montréal se sont également joints au projet, à la fois pour participer à son élaboration et pour en analyser l’impact :

« L’Université de Montréal a deux rôles. Le premier rôle étant la pédagogie, avec la faculté des sciences de l’éducation pour la pédagogie générale, et la faculté de musique également au niveau de la pédagogie musicale à proprement parler au niveau des apprentissages musicaux. De plus, l’Université de Montréal va mesurer l’impact de notre projet sur les enfants et sur la communauté également pendant trois ans. Avec aussi la faculté de médecine, au niveau de l’École de réadaptation, tout ce qui touche l’ergothérapie, motricité fine, motricité globale. Donc ils ont cette fonction-là au sein de différents comités dans lesquels la direction de l’école Saint-Rémi Annexe est impliquée ».

Une fois le projet élaboré, il a fallu procéder à la construction de locaux adéquats pour l’apprentissage de la musique et Maxime Lataille précise que tant la direction que les enseignants ont été consultés et ont participé à l’élaboration des plans. Tous ont accueilli le projet avec enthousiasme selon lui, y compris les enseignants qui ont dû modifier leur horaire de travail pour s’arrimer aux exigences du projet-pilote.

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L’IMPACT DE LA MUSIQUE SUR LE DÉVELOPPEMENT GLOBAL DE L’ENFANT

S’il existe déjà des études qui ont démontré que l’apprentissage de la musique a un impact positif sur le développement global de l’enfant, le projet La musique aux enfants est différent de tout ce qui a été fait auparavant :

« Maintenant, notre projet, la façon dont il est structuré, l’intensité, fait son unicité. C’est-à-dire que dans la revue de la littérature scientifique que l’Université a menée avant de  commencer le projet, on n’a pas trouvé de comparable avec notre façon de faire. Je m’explique, il y a deux éléments qui sont assez uniques : le fait que certains enfants de quatre ans font trois heures de musique par jour et il y a aussi le fait qu’on jumelle différentes disciplines comme le piano, le violon, le chant choral, la rythmique pour un même enfant. Donc il y a cette façon soutenue d’enseigner la musique et il y a la combinaison de différentes disciplines musicales ».6decembre2016_visite-msm_photo-koraliewoodward-35

De plus, les chercheurs de l’Université de Montréal ne s’attarderont pas qu’à l’impact du projet sur l’apprentissage global de l’enfant, mais aussi à son impact sur la relation famille-école-communauté, sur l’apprentissage de matières spécifiques comme les mathématiques et le français, et aussi sur le développement cognitif des élèves au niveau de la socialisation par exemple. L’objectif du projet n’est pas de mesurer l’évolution de l’apprentissage musical des élèves, mais plutôt de faire la corrélation entre l’apprentissage de la musique et le développement global de l’enfant.

La façon dont le projet s’articule concrètement est la suivante : 16 élèves font partie du groupe Musique + et reçoivent chaque jour près de trois heures de cours de piano, de violon, de rythmique et de chant choral, alors que 16 élèves d’un deuxième groupe reçoivent 75 minutes de cours de musique par jour. Les chercheurs vont également suivre un groupe témoin dans une autre école, dont les familles ont le privilège de pouvoir assister à certaines activités de l’OSM. Et pour que tous les élèves de l’école Saint-Rémi Annexe puissent bénéficier des nouvelles infrastructures et de l’expertise des intervenants du projet-pilote, tous recevront au moins un cours de rythmique et de chant choral par semaine en plus d’avoir accès à certaines activités culturelles. M. Lataille précise également que le choix des élèves qui participent au projet-pilote s’est fait par tirage au sort parmi les enfants dont les parents avaient manifesté un intérêt.

UN APPRENTISSAGE ADAPTÉ

6decembre2016_visite-msm_photo-koraliewoodward-42Plusieurs rencontres de parents ont eu lieu afin de présenter le projet qui suscitait beaucoup d’intérêt, mais aussi une certaine inquiétude, notamment au niveau de l’horaire des enfants :

« On a modulé l’horaire des enfants de façon à ce qu’ils ne soient jamais plus qu’une vingtaine ou une trentaine de minutes en musique à chaque moment de la journée. Donc, ils peuvent commencer en piano 20 minutes, ils vont avec l’enseignante de classe faire d’autres activités, reviennent au violon, vont jouer à l’extérieur, reviennent au chant choral. Donc, c’est extrêmement varié pour que l’on puisse garder leur attention tout au long de la journée. Et ce qu’on m’a dit, c’est qu’après leur troisième semaine de prise de possession des locaux, les enfants ne sont pas fatigués, on garde leur attention, ils ont toujours envie d’en faire. Ça veut donc dire qu’on a bien réfléchi, et puis sur le terrain ça se démontre ! »

L’apprentissage de la musique se fait de manière ludique et des ajustements pourront être faits pour assurer le bien-être des enfants le cas échéant. Mais déjà, le projet suscite l’engouement et l’OSM a reçu des appels d’autres commissions scolaires pour en apprendre davantage.

L’OSM ne cache pas qu’il a de grandes ambitions pour le projet : « On espère qu’on pourra le répliquer ailleurs à Montréal, au Québec, et même, dans le monde », mais rappelle qu’il est entièrement financé par des dons privés. Il mise donc sur les résultats de la recherche pour éventuellement convaincre le gouvernement de rendre accessible un tel projet à un plus grand nombre.

Et si jamais le projet-pilote prenait fin après trois années à l’école Saint-Rémi Annexe, en plus des infrastructures de classes, une salle de concerts a été aménagée pour accueillir différentes activités culturelles et constitue, en quelque sorte, le legs de l’OSM à l’école et à la communauté. •

UN PROJET QUI PEUT RAYONNER SUR L’ENSEMBLE DU RÉSEAU SCOLAIRE – selon Miville Boudreault, président de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île

Lorsqu’on lui a présenté le projet La musique aux enfants pour la première fois, le président de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île avoue qu’il était un peu incrédule par rapport à sa faisabilité. Mais après une rencontre avec Kent Nagano, qui lui a expliqué ses intentions, et après avoir constaté l’engouement de l’équipe-école, Miville Boudreault a lui aussi adhéré sans hésitation au projet, qui suscite maintenant sa pleine admiration. Même si un projet d’une telle ampleur ne peut être reproduit à grande échelle, M. Boudreault croit qu’il aura des retombées positives pour l’ensemble du réseau scolaire : « C’est à ce niveau-là que la recherche avec l’Université de Montréal est très importante. Là, nous avons un contexte très particulier avec des installations de très haut niveau, mais ce n’est peut-être pas nécessaire d’avoir de telles installations pour que l’apprentissage d’un instrument de musique en bas âge puisse être reproduit ailleurs. (…) Ce que la recherche va permettre peut-être c’est de faire une corrélation entre cet apprentissage de la musique et des enfants en très bas âge et surtout en milieu plus défavorisé. On parle beaucoup d’étendre la maternelle 4 ans, alors ce genre d’initiative va nous apporter de l’eau au moulin et cela va aider les chercheurs et les décideurs à voir qu’est-ce qu’on fait par rapport à ça. Alors il peut y avoir des répercussions ailleurs sans répéter exactement le même modèle, mais ce sera de façon plus générale sur la façon d’aborder la maternelle 4 ans et les enfants d’âge préscolaire, car ça pourrait être la musique, ça pourrait être les arts plastiques, ça pourrait être les langues. Il pourrait y avoir autre chose et je pense que c’était ça l’idée de départ aussi. Oui, c’est la musique dans ce cas précis, mais ça pourrait être autre chose ailleurs. »