Entrevue avec Luc Fortin, ministre de la Culture et des Communications
Le 5 décembre dernier, à Sherbrooke, le ministre de la Culture et des Communications, Luc Fortin, et le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Sébastien Proulx, ont annoncé un investissement de près de 10 M$, pour l’année 2016-2017, afin de favoriser un arrimage fort entre la culture et l’éducation. Une somme qui permettra notamment d’augmenter le nombre de sorties scolaires en milieu culturel.
Sur la photo, de gauche à droite : le président de la Commission scolaire de la Région-de -Sherbrooke, M. Gilles Normand, le ministre de la Culture et des Communications, M. Luc Fortin en compagnie de sa fille Alexia, le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, M. Sébastien Proulx, et le président de la Commission scolaire Eastern Townships, M. Michael Murray
Pourquoi était-ce important de bonifier l’Entente Culture-Éducation ?
« Pour plusieurs raisons. D’abord, je viens de conclure une tournée de consultations sur le renouvellement de la politique culturelle. J’ai fait 18 journées de consultations, j’ai rencontré 322 groupes avec qui j’ai échangé et on a reçu 2959 commentaires via la consultation en ligne et ce qui est ressorti de cela, la grande dominante c’est l’importance d’avoir un meilleur maillage entre la culture et l’éducation. C’est ressorti très, très fort. Bien sûr, l’annonce que nous avons faite n’est pas une réponse à cette consultation, mais c’est vraiment un premier pas, un premier geste qu’on souhaitait poser qui vont dans cette direction avec plusieurs mesures qui vont nous permettre de tester certains éléments pour voir s’ils doivent être maintenus ou bonifiés dans notre politique culturelle. Mais c’est vraiment ce maillage entre la culture et l’éducation qui est ressorti très fort.
D’une part, il y a le milieu de l’éducation qui voit la culture comme un outil pédagogique de persévérance scolaire. On le sait, on a des études tant au ministère de la Culture qu’à celui de l’Éducation qui démontrent que les jeunes qui sont en contact avec la culture vont mieux performer à l’école. Et on parle souvent de sport, mais il ne faut pas mettre le sport et la culture en compétition, moi je pense que c’est complémentaire. Il y a des jeunes qui vont demeurer à l’école parce qu’ils ont la possibilité de faire du sport et il y en a d’autres qui veulent faire des activités culturelles. Je pense que c’est très important. On sait également que les jeunes qui sont en contact avec la culture vont être des jeunes plus informés, plus critiques, plus engagés dans la société et ce sont aussi des comportements que l’on cherche à stimuler chez nos jeunes.
Et pour le volet culturel, je souhaite que les jeunes soient plus près du milieu de la culture parce qu’on sait que les habitudes en matière de consommation culturelle se prennent beaucoup en bas âge, notamment entre 4 et 11 ans, et cela dans une perspective de renouvellement des publics, c’est très important. Car ces jeunes sont les consommateurs de la culture de demain, alors lorsqu’on fait des investissements pour la culture chez les jeunes on le fait pour l’ensemble du milieu culturel. C’est d’ailleurs pourquoi on avait annoncé un investissement de 5 M$ au CALQ (Conseil des arts et des lettres du Québec) dans le dernier budget pour la création jeunesse chez les 4 à 11 ans, car on savait qu’il y aurait une annonce sur la culture à l’école et si on veut que les jeunes soient en contact avec la culture il faut aussi qu’il y ait de la création en amont. »
Qu’est-ce qui a été annoncé exactement le 5 décembre ?
« On a annoncé des investissements de 10 M$ au total pour la culture à l’école. D’une part, il y a les 5 M$ dont je viens de parler au CALQ qu’on a rappelés, puisque ça demeure une dimension très importante. Il y a eu 3 M$ annoncés par mon collègue Sébastien Proulx pour bonifier l’offre culturelle à l’école. Il y a eu 2 M$ additionnels qui ont été ajoutés par mon ministère, de la Culture et des Communications, pour venir bonifier les ententes régionales pour la culture en milieu scolaire. Il y a d’autres mesures aussi pour mieux encadrer les professeurs pour qu’ils soient des bons passeurs de culture, car c’est une dimension qui est également beaucoup ressortie lors de nos consultations, le fait qu’on doive revoir la formation des maîtres, entre autres, qu’on doive mieux encadrer les professeurs pour qu’ils soient de bons passeurs de culture. Et on ne parle pas seulement des activités dans le cadre des cours de musique, d’art dramatique ou d’arts plastiques par exemple, mais plutôt comment dans l’ensemble des cours qui sont dispensés à l’école on peut mieux intégrer la culture. Évidemment, les cours de français sont très importants pour mettre en contact les jeunes avec la lecture, avec la littérature québécoise. Donc différentes mesures avec ces 10 M$ pour mettre davantage les jeunes en contact avec la culture à l’école. »
Est-ce que les sommes que vous venez d’annoncer et le dépôt éventuel de la nouvelle politique culturelle ont comme objectif, notamment, d’explorer de nouvelles façons de faire ?
« Absolument. Lors des consultations il nous a été clairement demandé de faire mieux et de faire plus. Et cette demande est venue autant du milieu de l’éducation que du milieu culturel. Et oui, on peut faire plus de sorties scolaires à vocation culturelle, mais il y a aussi l’intégration de la culture dans les cours à l’école. Et il y a l’école, mais ce n’est pas tout. J’ai rencontré des commissions scolaires qui m’ont expliqué qu’il y a des jeunes qui arrivent en maternelle et qui n’ont jamais été en contact avec un livre de leur vie, alors évidemment ils sont en retard par rapport à d’autres qui ont été plus stimulés, soit dans le milieu familial ou le milieu préscolaire. Alors il y a des choses à penser également pour mieux préparer les jeunes à leur entrée à l’école. Il faut de l’éducation culturelle et évidemment les parents ont un rôle à jouer à ce niveau. Comme père de trois jeunes enfants, je peux vous dire que la culture est très importante chez nous. On lit une histoire chaque soir, on fait des sorties culturelles et je le vois comme parent l’impact que cela a. Cela développe beaucoup leur curiosité, ils ont une soif d’apprendre. (…) Non seulement c’est pourquoi comme ministre je trouvais important de prendre cette tangente dans la nouvelle politique culturelle, d’un meilleur maillage entre la culture et l’éducation, mais d’abord et avant tout je trouve que c’est important de le faire à titre de père de famille. Donc, il faudra réfléchir à comment on peut mieux accompagner les parents. »
Quelles sont les prochaines étapes par rapport au renouvellement de la politique culturelle ?
« Le volet de la consultation publique est terminé depuis cet été, mais j’ai octroyé également des mandats de réflexion à des groupes bien précis qui doivent nous faire des recommandations, que ce soit le comité-conseil, le comité scientifique, alors nous sommes en attente de leurs recommandations qui devraient arriver sous peu. Notre idée c’est de pouvoir dévoiler notre projet de politique le plus rapidement possible en 2017. Et comme c’est une politique gouvernementale, et non pas une politique ministérielle, elle devra vraisemblablement être soumise en consultation parlementaire. Mais l’objectif est d’avoir une politique avec un plan d’action qui l’accompagne en 2017. C’est ambitieux, car il y a plusieurs étapes à franchir, c’est un vaste chantier, mais on estime qu’à ce stade-ci ça demeure toujours réaliste. » •