Comment un modèle de type DUAL en Soudage-montage peut répondre à l’adéquation formation-emploi
Véronique Bolduc, CRIA, coordonnatrice FPSAE CSBE
Au cours de la dernière année, la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin (CSBE) a mis en place au Centre intégré de mécanique industrielle de la Chaudière (CIMIC) une formation de diplôme d’études professionnelles (DEP) en soudage-montage inspiré du système Dual. Monté en collaboration avec les partenaires socio-économiques (Conseil économique de Beauce, les Centres locaux de développement de la région, Perform et Emploi-Québec) et avec les entreprises du secteur de la fabrication métallique, ce projet-pilote vise à mieux répondre à l’adéquation formation-emploi.
Développé en Allemagne, le système Dual se caractérise par un enseignement qui se déroule davantage en entreprise et par le fait que les élèves sont rémunérés pendant leur formation. C’est lors du dépôt du plan économique du Québec, en avril 2015, que le gouvernement québécois a commandé des projets pilotes inspirés du modèle allemand afin d’inclure dans la formation un volet « intégration en emploi » et d’augmenter l’apprentissage en milieu de travail.
Quatre projets pilotes se déroulent depuis 2015, dont deux en formation professionnelle : le DEP en Soudage-montage au CIMIC, et le DEP Techniques d’usinage au Carrefour Formation Mauricie à la Commission scolaire de l’Énergie. Deux cours techniques du collégial, ceux de Techniques de plasturgie et Génie mécanique (aluminium), font aussi l’objet de projets pilotes. Dans le texte du budget provincial, on précise que les modèles ainsi élaborés pourraient ensuite être appliqués à d’autres programmes. D’autres projets pilotes verront le jour au cours de l’année
scolaire 2016-2017.
Le projet pilote mené par la CSBE a débuté en janvier 2016. La nouvelle formule s’inspire bien sûr du système Dual, « Mais nous avons pris le temps de l’adapter à la réalité québécoise », nous indique M. André N. Poulin, le gestionnaire responsable de ce dossier au Service de la formation professionnelle, de l’éducation des adultes et aux entreprises de la CSBE.
ÉLÈVES RÉMUNÉRÉS DURANT LA FORMATION
Pour répondre à l’adéquation formation-emploi, le système Dual préconise de mettre en place de nouvelles approches de partenariat. Plus de 20 entreprises de notre territoire ont été rencontrées individuellement afin de discuter des défis et des opportunités qu’offre ce modèle de formation. Rappelons que ce projet pilote est né du besoin exprimé par les entreprises de la région d’avoir accès à des soudeurs qualifiés pour assurer leur croissance. Il en va de la vitalité même de notre région. Cette étape de consultation fut cruciale pour établir les bases de notre nouveau modèle de formation.
M. Poulin estime que la nouvelle formule favorisera sans aucun doute les inscriptions et qu’elle incitera les élèves à persévérer dans leur formation. « Le tiers des jeunes qui abandonnent le font parce qu’ils manquent d’argent », explique-t-il.
Le ministre François Blais lors du lancement du projet pilote au CIMIC en compagnie de M. Charles-Henri Lecours, président de la CSBE et M. Normand Lessard, directeur général de la CSBE
UN DÉFI QUI AMÈNE L’ÉCOLE À SE DÉPASSER!
L’application des principes de la formation Duale en Soudage-montage a sans doute présenté un défi pour l’équipe du CIMIC, mais elle lui a aussi donné une occasion de se dépasser. Selon le directeur de l’établissement, M. Stéphane Quirion, l’expérience a été clairement positive. Pour l’enseignant, le passage à la formation Duale implique en effet plusieurs changements majeurs.
D’une part, il n’est en présence de l’élève que 50 % du temps, alors que dans la formule traditionnelle, l’élève est en classe 80 % du temps. En collaboration avec le conseiller pédagogique, il doit s’assurer que chaque élève voit l’ensemble de la matière, en tenant compte de ce qu’il apprend en entreprise. « Il faut constamment s’adapter. Si un élève ne peut pas faire de soudure TIG dans l’entreprise qui l’accueille, c’est à l’enseignant de voir à ce qu’il soit formé en classe », explique M. Quirion.
L’enseignant doit donc collaborer constamment et participer à la formation des formateurs en entreprise. Selon M. Quirion, cette collaboration obligée suscite de l’appréhension tant chez les enseignants que chez les employés qui jouent le rôle de formateurs. « Pour l’enseignant, il peut craindre qu’on remette en question ses connaissances, alors que l’employé peut être inquiet à l’idée de faire des rapports pour l’école » explique-t-il.
Dans les faits, cependant, tout s’est bien passé, ce que M. Quirion attribue à la qualité du personnel en place et à la tradition de collaboration qui existait déjà entre le CIMIC et les entreprises. « Nos enseignants ont des échanges constamment avec les gens de l’entreprise et ça les aide à rester à jour. Quant aux formateurs, il faut voir la fierté qu’ils ont de transmettre leurs connaissances et de former la relève ! ».
En ce qui concerne la qualité de la formation, le système Dual remplit-il ses promesses ? M. Quirion note qu’il est un peu tôt pour apporter une réponse définitive à cette question puisque la première cohorte de formation Duale n’a pas encore terminé sa formation. Il croit cependant que l’expérience acquise en entreprises sera certainement un acquis pour les élèves de la formation Duale. « Le défi c’est que chaque élève voit l’ensemble des éléments du programme afin de conserver toute sa mobilité » précise-t-il avant de conclure : « Mais ça, nos enseignants s’en chargent très bien ! »
UN NOUVEAU DÉPART, GRÂCE À LA FORMATION DUALE !
Après avoir exercé le métier de coiffeuse durant 16 ans, Valérie Fortin a entrepris des études en soudage selon la formule Duale. Elle partage son temps de formation entre le CIMIC et l’entreprise Manac inc., en plus de toucher un salaire qui lui permet de subvenir à ses besoins essentiels pendant qu’elle apprend son nouveau métier.
Groupe Dual et les enseignants du programme – Guillaume Smith Claude Gilbert et Richard Nadeau
BESOIN D’UN CHANGEMENT
Valérie estime que la formule Duale lui permet d’avoir un revenu durant sa formation, et ceci a été grandement facilitant pour elle. « S’il n’y avait pas eu cela, c’aurait été un gros pensez-y bien pour moi ! Je serais peut-être revenue aux études quand même, mais pas aussi vite », dit-elle. De plus, selon Valérie, les avantages de la formule Duale ne se limitent pas au seul salaire. Elle croit, par exemple, que c’est une bonne chose que l’élève passe beaucoup de temps en usine. « Tu vois tout de suite c’est quoi le monde du travail et tu sais si c’est pour toi ou non. Ça peut t’éviter de perdre un an et demi de ta vie… », explique-t-elle.
LA VRAIE VIE
Le superviseur et responsable de la formation en soudage chez Manac, M. Réjean Turgeon, abonde dans le même sens. « L’école, c’est un environnement idéal, alors qu’ici, ils sont dans la vraie vie. On doit résoudre différents problèmes et Valérie nous voit aller. Elle peut profiter du bagage de plusieurs personnes qui travaillent ici », affirme-t-il. Entre deux candidats de qualité égale, M. Turgeon n’hésite pas à affirmer qu’il préférerait celui qui a suivi une formation Duale. Il admet toutefois que pour l’entreprise, c’est une contrainte de devoir faire réaliser à l’élève différentes tâches utiles à son apprentissage. Mais encore là, il y a un bon côté à cette obligation : « Ça fait une employée plus polyvalente et cela peut nous être utile », explique le superviseur.
PÉNURIE
Mme Louise Couture, conseillère en ressources humaines chez Manac, apprécie aussi la formule Duale, principalement parce qu’elle est de nature à attirer davantage de personnes vers le métier de soudeur ou de soudeuse. « Nous avons un problème de recrutement dans ce métier et c’est certain que pour nous, il est plus simple d’engager des gens d’ici que d’aller en chercher à l’étranger. »
Elle ajoute, par ailleurs, qu’avec la formation Duale l’entreprise a amplement le temps d’évaluer une candidate ou un candidat, puisque l’élève passera 900 heures dans l’entreprise durant sa formation. Le cours de formation Duale en soudage est une expérience pilote unique au Québec. Valérie fait partie de la première cohorte qui a commencé en janvier dernier. Une seconde cohorte a démarré en septembre et Manac fait toujours partie des entreprises participantes.
UNE SECONDE COHORTE POUR LA CSBE
Valérie Fortin pose en compagnie de Mme Louise Couture conseillère en ressources humaines et M. Réjean Turgeon superviseur et responsable de la formation en soudage chez Manac
Une seconde cohorte de formation Duale en Soudagemontage a débuté en août dernier, seulement dix mois après la mise sur pied du projet pilote, qui a démarré en janvier 2016. « C’est le succès de cette formation et l’enthousiasme Valérie Fortin pose en compagnie de Mme Louise Couture, conseillère en ressources humaines et M. Réjean Turgeon superviseur et responsable de la formation en soudage chez Manac Groupe Dual et les enseignants du programme Guillaume Smith Claude Gilbert et Richard Nadeau généré par la nouvelle formule qui nous ont amenés à former la deuxième cohorte plus rapidement que prévu », confirme M. André Poulin.
Cette formule porteuse d’avenir découle d’une nouvelle approche permettant de répondre à l’adéquation formation-emploi. Le travail conjoint des différents partenaires a mené à un succès qui permettra à notre relève d’apprendre dans un contexte différent de l’enseignement traditionnel, tout en favorisant la persévérance scolaire.
PROJET D’ALTERNANCE ÉTUDES TRAVAIL AU CARREFOUR FORMATION MAURICIE
par Jean-Vianney Hotte
Directeur adjoint
Carrefour Formation Mauricie
Au Carrefour Formation Mauricie, à Shawinigan, depuis environ huit ans un projet d’alternance études travail a été mis sur pied, en collaboration avec l’entreprise Marmen pour le programme Techniques d’usinage. Le projet a vu le jour afin de pallier à la pénurie de machinistes chez Marmen, et depuis deux ans, huit entreprises ont pu participer à ce type de formation afin de combler elles aussi leurs besoins en main-d’oeuvre. Le projet consiste à intégrer des élèves dans les entreprises, en alternance avec leurs études au centre de formation professionnelle, afin d’y être formés selon la culture, les besoins et l’équipement spécifiques des employeurs. Les candidats ayant reçu leur diplôme ont la possibilité de garder leur emploi au sein de l’entreprise qui les a préalablement embauchés, puis formés. Les employeurs sont satisfaits des candidats parce qu’ils les embauchent avant le début de la formation et qu’ils correspondent à leurs critères d’embauche, à leurs valeurs et à leurs besoins et qu’à la fin de la formation, ils sont déjà au fait de la culture de l’entreprise et connaissent l’équipement avec lequel ils travailleront. De plus, avec l’individualisation du programme de techniques d’usinage, des avantages liés à une plus grande flexibilité sont maintenant disponibles pour les employeurs et les employés. En effet, les candidats peuvent commencer leur formation à quelques semaines d’avis et également suivre des formations d’appoint ou faire de la formation manquante lors d’une reconnaissance d’acquis.