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Mars 2016

Les formations en entreprise ont-elles une réelle valeur ajoutée dans la pratique quotidienne ?

| Par Linda Tulk, directrice, STIMULUS CANADA [email protected]

Linda Tulk PHOTO_ couleurLes offres de formation pour les organisations sont multiples et il s’avère souvent difficile de choisir les plus pertinentes. Qui plus est, les retombées pratiques sont difficilement mesurables, particulièrement en ce qui a trait au développement de compétences dites « soft », c’est-à-dire les compétences de nature transversale (communication efficace, leadership, gestion du temps, etc.). Il est donc peu étonnant que les organisations soient préoccupées par les retombées concrètes des coûts et du temps investis.

Une revue de littérature réalisée en 2010 sur les formations en entreprise1, dans le domaine de la gestion du stress, a mis en relief le constat suivant : parmi tous les facteurs identifiés pour mesurer l’efficacité des formations, la durée des effets est le plus important2.   Ainsi, l’enjeu principal quant à l’efficacité réelle des formations serait la pérennité des acquis et des effets positifs en termes d’actions initiées par les personnes ayant reçu la formation. On peut aisément présumer que ce constat s’applique à l’ensemble des formations « soft ».

La pérennité ne doit toutefois pas être confondue avec la durée de l’intervention. Tout comme il est important de distinguer satisfaction et efficacité. Même s’il est généralement observé que les évaluations qui suivent immédiatement la formation témoignent d’un niveau de satisfaction très élevé, on constate que la satisfaction initiale n’est pas forcément garante d’un apprentissage réel et encore moins d’un changement avéré sur le plan cognitif et comportemental. La satisfaction « à chaud » est souvent attribuable à l’enthousiasme et à la motivation de la personne qui découvre la panoplie d’outils et d’options pour améliorer ses compétences. Cependant, il est bien connu qu’entre le désir et la capacité réelle d’initier un changement profond et durable, la voie est souvent parsemée d’obstacles et de difficultés qui découragent la personne la mieux intentionnée. Et ce, surtout lorsque les personnes sont laissées à elles-mêmes. L’enthousiasme initial des personnes peut facilement s’éroder, surtout si l’environnement organisationnel n’offre pas un climat et un contexte propices. Il est en effet peu probable que des mécanismes exclusivement individuels d’adaptation demeurent efficaces lorsque la personne est confrontée à un environnement en turbulence ou peu soutenant.

Par conséquent, la satisfaction élevée des participants, évaluée immédiatement à la fin de la formation, peut être trompeuse et inciter faussement l’organisation à déclarer « mission accomplie ». D’où l’importance de compléter l’intervention par des sessions de suivi et d’actualisation pour induire des changements comportementaux durables.3 

En conséquence, le milieu de travail dans lequel l’individu retourne, après s’être adéquatement outillé, constitue un facteur critique de succès. Notamment, un climat social sain et soutenant, la reconnaissance et une bonne communication sont autant de facteurs favorables au développement des compétences et au maintien dans le temps.

Ces précédents constats ont été corroborés par une démarche de qualité initiée par une firme française d’envergure, spécialisée dans les formations sur le mieux-être au travail. Cette démarche de qualité avait pour objectifs de cibler les éléments clés permettant d’optimiser l’efficacité des formations ainsi que de mesurer leurs impacts organisationnels. Les résultats convergent avec les constats relevés précédemment.

Les évaluations qui suivent immédiatement la formation témoignent généralement d’un niveau de satisfaction très élevé, alors que les évaluations subséquentes, réalisées trois ou six mois plus tard, démontrent une baisse significative du niveau de satisfaction. Selon les commentaires recueillis, cette baisse de satisfaction s’explique par la difficulté de s’approprier les stratégies apprises, de les maîtriser et de les mettre en pratique.

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Pistes d’action

Concernant les formations offertes dans le cadre professionnel, le maintien des acquis dans le temps et la continuité de la mise en pratique demeurent les principaux défis. Quatre principales pistes d’action émergent de la littérature, corroborées par une démarche terrain d’évaluation.

1.  À l’évidence, l’accompagnement des individus ayant participé à la formation s’avère nécessaire. Les interventions doivent être complétées par des sessions d’actualisation qui s’inscrivent dans une stratégie de suivi à court, moyen et long termes pour favoriser un changement réel et durable.

2.  Des actions au niveau de l’environnement organisationnel et, plus spécifiquement en matière de pratiques de gestion, sont nécessaires pour assurer un environnement favorable à la pérennité des acquis.

3.  Les interventions les plus efficaces sont réalisées par un formateur qualifié.

4.  Les formations les plus efficaces sont ancrées sur une évaluation préalable des besoins du groupe ciblé et prennent idéalement la forme d’une intervention intensive et brève.

Mises ensemble, ces actions peuvent contribuer à la réalisation d’interventions plus efficaces et ainsi relever avec succès le défi majeur qui demeure, sans conteste, la pérennité des acquis, c’est-à-dire la capacité d’amorcer dans sa pratique des ajustements significatifs et durables.

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 1    TULK, L (2010). Position paper. Revue de littérature réalisée dans le cadre d’un practicum de recherche d’études doctorales.
2    Bellarosa, C., & Chen, P. Y. (1997). The effectiveness and practicality of occupational stress management interventions : A survey of subject matter expert opinions. Journal of Occupational Health Psychology, 2(3), 247-262.
3    Rowe, M. M. (2006). Four-year Longitudinal Study of Behavioral Changes in Coping with Stress. American Journal of Health Behavior, 30(6), 602-612.