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Adéquation formation-emploi

Le plan économique et le virage vers l’adéquation formation-emploi

| Par Robert Goyer, consultant en éducation, spécialisé en formation professionnelle

Photo-Robert-GoyerAvec le Plan économique du Québec de mars 2015, les centres de formation professionnelle des commissions scolaires sont appelés à prendre un virage important concernant la qualification de la main-d’œuvre. On y apprend, entre autres, que le budget 2015-2016 prévoit consacrer 166,1 M$ sur cinq ans afin de réaliser de façon significative l’adéquation entre la formation et l’emploi.

Ce plan démontre également que les centres de formation professionnelle auront davantage de responsabilités à l’égard de la qualification des personnes qui sont en emploi.  On doit donc s’attendre à ce que de plus en plus de travailleuses et de travailleurs s’inscrivent à de la formation qui va les mener au diplôme d’études professionnelles (DEP). C’est une très bonne nouvelle, car dans certains secteurs le nombre d’inscriptions en formation initiale diminue depuis plusieurs années.

Pour réaliser l’adéquation formation-emploi, il faudra se concerter avec les entreprises, ce qui provoquera un changement majeur dans le modèle actuel. En effet, le Plan économique du Québec prévoit que le recours à des stages de longue durée sera privilégié. On veut que le développement des compétences de ces travailleuses et travailleurs qui conduiront à un DEP se réalise en alternance, une partie de la formation étant offerte dans un centre de formation professionnelle et une autre partie dans l’entreprise, avec le soutien d’un superviseur de stage. Cela modifiera de façon importante le rôle des enseignantes et des enseignants. En plus de superviser les étudiantes et les étudiants durant leur stage, ils auront aussi à former et à soutenir les superviseurs de stages. Ce rôle élargi aura certainement un impact sur la valorisation de la profession.

Les gestionnaires d’établissement devront aussi innover afin de créer ces nouveaux partenariats avec les entreprises. Avec cette approche, l’employeur deviendra un partenaire incontournable. Il faudra le sensibiliser, l’informer, le convaincre du fait que la qualification du travailleur aura un impact sur sa trajectoire professionnelle ce qui le rendra plus performant et efficace et apportera par le fait même une plus grande rentabilité pour l’entreprise. Un changement de culture devra s’imposer dans les entreprises québécoises. Il faut se rappeler que la loi du 1 % est loin d’être la plus populaire. Ce qui est proposé représentera certainement une valeur ajoutée pour les centres de formation professionnelle afin de recruter une nouvelle clientèle et pour les services aux entreprises afin de se rapprocher davantage des entreprises. Cette nouvelle clientèle aura un triple statut : travailleur-étudiant-stagiaire. Un virage important qu’il faut prendre.

La Formation professionnelle, une formation de base

Toutefois une inquiétude demeure. Avec ce virage vers une meilleure adéquation formation-emploi pour les travailleurs, la formation professionnelle pourrait devenir davantage une composante importante du système productif. Or, il ne faut pas oublier qu’elle est une composante du système éducatif. En effet, le DEP est une formation de base au même titre que le diplôme d’études secondaires (DES) pour les personnes qui n’ont pas encore intégré le marché du travail. Il est donc important que la formation professionnelle demeure, pour un jeune ou un adulte, un moyen d’accéder à une première qualification.

Formations de courte durée

Le Plan économique du Québec appuie aussi les centres de formation professionnelle pour offrir des programmes de formation mieux adaptés aux réalités du marché du travail, notamment par des programmes d’études de courte durée. Encore ici, c’est une bonne nouvelle pour les centres de formation professionnelle. Depuis 15 ans, les commissions scolaires ont développé plus de 40 programmes de courte durée pour répondre plus efficacement aux besoins du marché du travail. Le Plan économique vient donc confirmer la stratégie utilisée par les commissions scolaires qui consiste à développer des programmes d’études plus courts pour des fonctions de travail qui ne sont pas adéquatement couvertes par le diplôme ministériel. Cela apparaît d’ailleurs comme la meilleure stratégie pour réussir l’adéquation formation-emploi. Pour une plus grande cohérence, il faudra que ces programmes d’études qui conduisent à une attestation d’études professionnelles (AEP) soient aussi accessibles que les DEP. On peut donc espérer que le Plan économique de mars 2015 vienne faciliter ce deuxième virage, à condition bien sûr qu’un financement adéquat soit au rendez-vous !