Enjeux liés au réinvestissement en éducation
Dans son dernier rapport publié en février 2016 1, le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal fait le constat que le financement de l’éducation au Québec, tout en respectant la capacité de payer des contribuables, ne répond pas aux besoins de la population en matière de services éducatifs et de formation. Il recommande par conséquent d’accorder à cette mission de l’État un financement supplémentaire de 1,6 milliard de dollars, ce qui ramènerait les dépenses budgétaires en éducation du Québec au même niveau que la moyenne canadienne.
Réinvestir, c’est d’abord financer adéquatement les besoins récurrents.
Ce constat vient confirmer l’ampleur des compressions subies par le réseau des commissions scolaires évaluées à plus d’un milliard de dollars depuis 2010-2011 2. Grâce à son efficience, le réseau a réussi à faire face à ces compressions en réduisant considérablement ses dépenses administratives. Malheureusement, ces efforts n’ont pas été suffisants pour continuer à protéger les services aux élèves. Les compressions ont fini par affecter l’accessibilité et la qualité de ces services dans toutes les régions du Québec. Dans ce contexte, le réinvestissement en éducation, particulièrement dans le réseau d’éducation préscolaire et d’enseignement primaire et secondaire, devient une décision incontournable pour mettre fin à ce cycle de sous-financement et donner ainsi une nouvelle impulsion à la réussite scolaire.
Réinvestir c’est d’abord financer adéquatement les besoins récurrents
Couvrir les coûts de système
Le réseau des commissions scolaires a l’obligation, selon la Loi sur l’instruction publique, d’assurer l’accessibilité, l’équité et la qualité des services éducatifs à tous les élèves du Québec. Ces services génèrent un coût qui doit être majoré chaque année pour tenir compte notamment de la croissance de la clientèle, des indexations salariales en vertu des conventions collectives, du taux d’intérêt pour le service de la dette et de l’inflation pour les coûts de l’énergie. Ces dépenses constituent les « coûts de système ». Au cours des dernières années, la croissance des ressources accordées au réseau des commissions scolaires 3 a été largement en deçà de la croissance des coûts de système, confrontant ainsi le réseau à des choix difficiles pour maintenir la qualité des services. Dans ce contexte, il est évident que le gouvernement doit s’assurer de couvrir d’abord les coûts de système. C’est seulement lorsque ce financement est garanti que les sommes additionnelles pourraient constituer un réel « réinvestissement » !
Mettre fin aux compressions récurrentes
Comment peut-on parler de réinvestissement lorsque les compressions des années passées continuent de s’appliquer au réseau ? N’est-ce pas le moment de le soustraire aux mesures générales récurrentes des dernières années pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire ? Ces compressions paramétriques imposées en 2011-2012, 2013-2014, 2014-2015 et 2015-2016 représentent un effort annuel de 248,7 M$ 4 qui prive les commissions scolaires de ressources et diminue leur marge de manœuvre locale pour répondre aux besoins de leurs élèves.
Pour un réinvestissement qui respecte la diversité des besoins
Enveloppe non ciblée pour des projets locaux
Les études démontrent que des interventions locales basées sur les initiatives du milieu peuvent améliorer grandement la réussite des jeunes. Loin de tenir compte de ces résultats, les orientations gouvernementales des dernières années s’inscrivent plutôt dans une perspective de mesures ciblées qui, d’une part, ne reflètent pas la diversité des besoins et, d’autre part, sont assorties d’une lourde reddition de comptes qui ne cesse de se complexifier.
Le déploiement de nouvelles ressources budgétaires dans le réseau devrait être l’occasion de renverser cette tendance en accordant une marge de manœuvre budgétaire pour réaliser des projets innovateurs créés et soutenus par le milieu.
Par ailleurs, au cours des dernières années, des mesures ont été mises en place pour permettre la réalisation de projets locaux, mais seulement dans le but d’améliorer l’efficience administrative et de générer des économies (ex. : regroupements de services). Cette approche devrait être appliquée aux projets éducatifs qui sont plus susceptibles d’améliorer la réussite et la persévérance des élèves, et qui sont d’ailleurs au cœur de la mission des commissions scolaires. Si des mesures non ciblées ont généré des résultats positifs en termes d’efficience, il est permis de croire que le succès serait encore plus grand en ce qui concerne les impacts sur la réussite scolaire.
Le soutien aux élèves HDAA
Les services aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) sont sous-financés depuis plusieurs années. En effet, leur nombre a crû de 33 % dans le réseau des commissions scolaires, passant de 135 000 à 180 000 5 sans que le financement n’ait été adapté à cette réalité.
Pour répondre aux besoins de ces élèves qui représentent actuellement plus de 20 % de l’effectif total, les commissions scolaires dépensent 150 M$ de plus qu’elles en reçoivent du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES). Le réinvestissement devrait permettre de financer adéquatement les services aux élèves HDAA.
Le maintien des petites écoles
La problématique de dévitalisation des régions est un enjeu majeur pour le Québec. Pour y faire face, des actions structurantes doivent être déployées. Dans ce contexte, la bonification des mesures de maintien des écoles de village est incontournable, mais elle devrait encore une fois refléter la diversité des besoins à travers le Québec. Actuellement, les allocations destinées aux écoles de petite taille font l’objet de travaux conjoints entre le réseau et le Ministère. À la lumière des résultats de ces travaux, les besoins seront clarifiés à cet égard et nous espérons que le financement sera au rendez-vous pour en tenir compte.
L’adéquation formation-emploi
L’adéquation formation-emploi est une priorité du gouvernement. Un financement adéquat doit être accordé aux formations courtes (attestation d’études professionnelles) dans le réseau des commissions scolaires à l’image du financement du réseau collégial. De plus, le financement devrait permettre d’améliorer l’accessibilité pour les études à temps partiel.
Les infrastructures scolaires
Afin d’assurer un environnement sain et propice à la réussite, les infrastructures scolaires devraient bénéficier d’une part importante de réinvestissements. De telles sommes devraient également prévoir un budget de fonctionnement suffisant pour s’assurer que les sommes consacrées aux infrastructures soient dépensées rapidement afin de redresser la situation.
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1 Pour lire le résumé de ce rapport, voir l’article L’éducation au Québec : une mission prioritaire ? de cette édition du Savoir.
2 Pour obtenir des détails sur les compressions qu’a subies le réseau des commissions scolaires, lire l’article de Caroline Lemieux de cette édition du magazine.
3 Par exemple, le taux de croissance des dépenses a été de seulement 0,2 % en 2015-2016, et de 1,7 % en 2014-2015 alors que les coûts de système se situent à un peu plus de 3 %.
4 Ce montant est basé sur les paramètres des règles budgétaires des années concernées. La compression de l’année 2012-2013 n’a pas été incluse, car elle n’était pas récurrente.
5 Entre 2001-2002 et 2011-2012.