Magazine Savoir FCSSQ

Financement du système d'éducation

Portrait des compressions dans le réseau scolaire

| Par Caroline Lemieux, attachée de presse à la FCSQ, [email protected]

caroline-lemieuxLa vague de compressions dans le réseau public d’éducation a commencé par le Budget 2010-2011, alors que la non-indexation des coûts de système a représenté un manque à gagner de 15 M$ pour les commissions scolaires. Mais la mesure qui a eu le plus gros impact à ce moment fut celle du non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite pour le personnel administratif des commissions scolaires, annoncée pour une période de cinq ans, et évaluée à 50 M$ pour l’année 2010-2011.

Déjà, la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) sonnait l’alarme sur les conséquences de cette mesure sur les services aux élèves. D’une part, avec des frais administratifs d’environ 5 % 1, on ne pouvait prétendre qu’il y avait du personnel excédentaire dans les centres administratifs et, d’autre part, parce que contrairement au préjugé largement véhiculé, le personnel administratif est lui aussi en service aux élèves. Que ce soit les services éducatifs avec la gestion des admissions et des inscriptions, les ressources humaines avec la vérification des antécédents judiciaires, les ressources matérielles avec l’entretien des bâtiments ou l’appui aux établissements dans la gestion des ressources financières, le personnel administratif des commissions scolaires accomplit des tâches qui ont un seul objectif : offrir des services éducatifs de qualité et équitables à tous les élèves pour leur donner les meilleures chances de réussite.

L’année 2011-2012 fut encore plus difficile. Alors que dans son discours du budget, le gouvernement annonçait des investissements en éducation, notamment avec l’introduction de la mesure L’École 2.0, la classe branchée pour l’achat de tableaux interactifs, la divulgation des règles budgétaires a plutôt révélé des compressions de 100 M$, du jamais vu depuis 1998. Profondément choquée, la FCSQ avait même convoqué une conférence de presse pour dénoncer l’attitude du gouvernement qui avait tenté de dissimuler ces compressions. Ça ne s’est pas arrêté là, le gouvernement a ajouté 43 M$ de compressions en septembre.

La hauteur des compressions a continué d’augmenter l’année suivante, avec un effort budgétaire de 150 M$ demandé aux commissions scolaires et toujours sans amputer les services aux élèves ! Ce qui était le plus déplorable avec ce budget, c’est que le gouvernement demandait aux commissions scolaires d’absorber à même leur budget insuffisant les engagements qu’il avait pris lors de la signature des conventions collectives, comme les baisses de ratio maître-élèves. Afin d’éviter que trop de commissions scolaires se retrouvent dans une situation financière précaire, la FCSQ, dans son mémoire sur les règles budgétaires, a demandé au gouvernement de laisser aux commissions scolaires la pleine autonomie dans la gestion de leurs surplus, ce qui n’a pas été accordé et qui a conduit la moitié des commissions scolaires à déclarer des déficits.

Compressions en éducation depuisles six dernières années

Le pire était encore à venir puisque dans le Budget 2013-2014, sans aucune discussion préalable avec les commissions scolaires, le gouvernement a décidé de mettre fin au programme de péréquation sur la taxe scolaire mis en place en 2006. Ce programme, par lequel le gouvernement acquittait une portion de la taxe scolaire, permettait d’alléger le fardeau fiscal des contribuables face à la montée fulgurante des valeurs foncières. Dès le dépôt du budget, la FCSQ a sonné l’alarme en prévenant le gouvernement et la population que pour préserver les services aux élèves, les commissions scolaires n’auraient pas d’autre choix que d’aller chercher ce manque à gagner dans la taxe scolaire. Faisant la sourde oreille, le gouvernement a critiqué vigoureusement les commissions scolaires dans un bras de fer qui a duré plus d’un an. La FCSQ a réclamé la négociation d’un nouveau pacte fiscal avec le gouvernement comme cela avait été prévu lors de l’adoption du programme de péréquation, mais en vain.  L’abolition du programme de péréquation, qui s’est déroulée sur une période de trois ans, représentait une compression totale de 350 M$, dont 200 M$ pour l’année 2013-2014 seulement. En dépit de cela, le gouvernement a imposé des compressions supplémentaires de 88 M$ aux commissions scolaires au mois d’avril.

L’ampleur des compressions qui s’élevaient alors à un demi-milliard de dollars et leur impact qui commençait à se faire sentir sur les services aux élèves, ont conduit les partenaires du réseau à réagir et, à l’initiative de la Fédération des comités de parents du Québec, ils ont formé la Coalition Priorité Éducation.

La vague des compressions s’est pourtant poursuivie avec un nouvel effort de 150 M$ demandé aux commissions scolaires dans le Budget 2014-2015, auquel s’ajoutait l’annonce d’un projet de loi sur le gel des effectifs dans la fonction publique et dans les établissements des réseaux de la santé et de l’éducation.

Malgré toutes ces années de compressions budgétaires, le Budget 2015-2016 imposait au réseau scolaire une nouvelle compression de près de 250 M$. Les compressions imposées aux commissions scolaires depuis 2010 s’élèvent donc à plus d’un milliard de dollars, soit le double de ce que représentent leurs frais administratifs. Le gouvernement a continué de prétendre que les services aux élèves pouvaient être épargnés. Face à cette situation et voyant l’impact évident sur les services aux élèves, le mouvement Je protège mon école publique est né. Des parents ont formé des chaînes humaines autour des écoles publiques afin de demander au gouvernement de cesser une fois
pour toutes ces coupes inacceptables.

Tout ça pourquoi ? L’atteinte de l’équilibre budgétaire. Cela semble maintenant chose faite, mais à quel prix ? Un récent rapport du Vérificateur général confirme que la situation financière des commissions scolaires se détériore. En 2014-2015, 49 commissions scolaires ont enregistré un déficit, pour un total de 45 M$ dans le réseau. Et c’est la volonté des commissions scolaires de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour limiter l’impact des compressions sur les services aux élèves qui explique qu’un nombre croissant d’entre elles ont dû se résigner à opter pour un déficit.

Alors que le gouvernement promet maintenant des réinvestissements en éducation, la FCSQ lui demande de  consulter le réseau afin de faire des choix budgétaires judicieux et susceptibles d’avoir un réel impact sur la réussite des élèves. La Fédération souhaite également que le financement de l’école publique soit encadré par une Politique nationale de l’éducation (voir l’article) afin d’assurer la pérennité d’un système public d’éducation de qualité.

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1    De 5 % en 2010-2011, les frais administratifs des commissions scolaires sont passés à 4,2 % en 2013-2014