Magazine Savoir FCSSQ

Mars 2014

Spécial élections scolaires

Redonnons confiance en la démocratie!

Entrevue avec François Gélineau, titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires
| Par Marie Blouin Conseillère en communications FCSQ - [email protected]
Marie Blouin Conseillère en communications FCSQ mblouin@fcsq.qc.ca

Marie Blouin Conseillère en communications FCSQ [email protected]

Créée en 2006 par la Faculté des sciences sociales, la Faculté de droit et l’Assemblée nationale du Québec, la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires est dirigée par le titulaire François Gélineau, un fervent défenseur d’un système qu’il qualifie comme étant l’un des meilleurs au monde. Il a livré au Savoir une entrevue dans ses bureaux à l’Université Laval pour nous faire connaître son point de vue sur l’état actuel de la démocratie qui vit un mauvais moment tant sur le plan scolaire, municipal, provincial que fédéral.f-gelineau

Pourquoi avoir créé une Chaire entièrement dédiée à la démocratie? Pour M. Gélineau, cela s’avérait capital pour plusieurs raisons : « Les citoyens prennent souvent pour acquis notre système démocratique et ils connaissent mal les institutions démocratiques au Québec. Cela entraîne de l’indifférence, de la méfiance et parfois même de la défiance. Il devenait donc nécessaire de s’en préoccuper pour redonner confiance envers notre système, ses institutions et les élus qui les représentent. »

Nelson Mandela a dit : « Il n’y a pas de paix sans démocratie. »

Cette citation tirée d’un de ses discours prononcé en Afrique du Sud le 9 mai 1992, correspond bien à l’image et à la valeur que M. Gélineau porte à la démocratie. « La démocratie sert à choisir nos gouvernants à travers les élections. Ces élus voient à prendre des décisions pour le bien public. Ce système est important et on le prend souvent pour acquis. C’est la démocratie qui permet de mettre tous les citoyens sur un même niveau d’égalité et de résoudre des conflits de façon pacifique. Il faut constamment questionner le système et l’améliorer. C’est l’un des rôles confié à la Chaire. »

« L’amour de la démocratie est celui de l’égalité » – Charles de Montesquieu (1689-1755)

Aux élections provinciales de 2012, 75 % des gens ont voté; ce qui constitue un bon score même si dans un monde idéal on devrait atteindre 100 % de participation. Mais, il n’y a pas de solution magique, selon M. Gélineau, pour amener la population à participer davantage aux élections, qu’elles soient scolaires, municipales, provinciales ou fédérales. Malgré tous les moyens qu’on pourrait mettre à sa disposition, comme le vote par téléphone ou le vote électronique, la Chaire constate que c’est la motivation profonde et les enjeux présentés par les candidats qui font toute la différence. « On a observé dans nos recherches que la multiplication des moyens pour encourager les gens à voter ne favorisait pas les chances qu’ils aillent plus voter. C’est la motivation profonde des gens qui les porte à s’engager. Par exemple, les jeunes votent davantage lorsqu’ils habitent encore chez leurs parents, si ces derniers votent bien entendu. Lorsqu’ils quittent la maison, ils ont tendance à moins voter. Comment les stimuler à persévérer? On se pose ce type de question à la Chaire de recherche. »

Les enjeux présentés influencent aussi grandement la participation électorale. Le printemps érable, dit-il, a soulevé un regain de participation aux élections parce que l’enjeu des étudiants a soulevé l’intérêt de la population. Ce qui vient démontrer l’importance d’en identifier des percutants lorsque vient le temps pour un candidat de faire sa campagne électorale. En éducation, cela peut se traduire par des enjeux qui touchent, par exemple, les fermetures d’école, l’environnement, le développement régional et la persévérance scolaire.

Des défis à relever

La Chaire, qui se veut un carrefour incontournable pour tous ceux et celles qui s’intéressent à la démocratie et aux institutions parlementaires, a plusieurs objectifs en tête présentement dont ceux touchant les jeunes âgés de 18 à 25 ans. « Les étudiants dans les universités ont davantage tendance à voter par rapport à ceux qui sont déjà sur le marché du travail et qui occupent des emplois plus manuels. Comment mieux les rejoindre et les stimuler à s’impliquer? Une recherche est en cours pour identifier des voies de solution et contribuer ainsi à améliorer leur participation et leur intérêt à la démocratie. »

Les informer davantage, leur présenter des enjeux qui les concernent, les inviter à des rencontres avec les partis politiques sont autant d’avenues que M. Gélineau croit intéressantes d’explorer pour les encourager à être plus
présents et actifs dans notre société démocratique. « À l’heure actuelle, les jeunes se sentent déconnectés de la politique en général. Ils se sentent délaissés par les décideurs publics qui font partie d’une autre génération qu’eux.
C’est le printemps érable qui a pointé du doigt ce problème de choc générationnel. »

Le cynisme politique

Le cynisme de la population pour la politique en général inquiète le titulaire de la Chaire. « Si la population ne va pas voter aux élections c’est parce qu’elle ne croit plus à la politique et aux politiciens. Le cynisme mine la confiance qu’elle a en la démocratie. Une des façons de remédier à cette situation, estime M. Gélineau, est que les politiciens adoptent des attitudes plus positives, moins agressives entre eux et sur la scène publique. Ces
comportements négatifs nuisent à rendre la politique et la démocratie plus attrayantes auprès de la population. Les médias ont aussi un rôle à jouer dans ce sens. Pourquoi ne pas faire davantage connaître les bons coups de nos politiciens et des institutions démocratiques? »

Positif et confiant, M. Gélineau mise beaucoup sur l’éducation citoyenne des jeunes et l’effort individuel pour redorer l’image de la politique et de la démocratie en général. « Tant les parents, les enseignants, les médias que les politiciens eux-mêmes ont un rôle à jouer pour améliorer les croyances et la valeur que nous portons à la démocratie. J’ai bon espoir avec tout ce qui se fait présentement et la volonté individuelle de tous que nous y parviendrons », conclut M. Gélineau.

[ref]Pour consulter les travaux de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires : http://www.democratie.chaire.ulaval.ca/index.php[/ref]

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