La coopération à l’école
Le rapport d’évaluation du Conseil québécois sur la coopération et la mutualité (CQCM) sur les deux programmes Ensemble vers la réussite (EVR) et Jeune Coop (JC) vient d’être rendu public1. Il a été réalisé par le Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES), en collaboration avec le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ).
Afin de promouvoir la coopération et l’entrepreneuriat collectif, le CQCM fournit des trousses pédagogiques aux enseignants, engage des agents qui, avec l’accord des directions d’établissement, mobilisent des enseignants. Ces derniers apprécient de manière exceptionnellement positive (95 % et plus) ces outils pédagogiques. Toutefois, leur partie théorique est délaissée au profit des démarches expérientielles proposées. Une enseignante l’exprime en ces termes : « Je ne veux pas faire comme dans un cours en apportant du contenu théorique ou faire des liens avec le programme [scolaire]… Ils [les élèves] veulent faire des choses de manière différente. »
La gamme de projets réalisés, dont certains répondent à un besoin repéré dans la communauté locale, est très variée, allant de la préparation de repas à l’organisation de buffets, de la fabrication de chocolats à leur mise en marché, du montage entier d’une pièce de théâtre à sa présentation, ou encore de la réparation de matériel scolaire à la gestion du magasin scolaire. 20 % des enseignants disent consacrer une demi-journée ou plus par semaine lors de la réalisation d’un projet Coop.
À ce sujet, des garçons ont souligné :
« Avant ça j’avais des problèmes de comportements. « On a pu prendre des décisions. » « On bouge. » « On se fait connaître autrement. ». Les matins du projet, certains confient qu’ils sont contents d’aller à l’école.
Quand on leur a demandé ce qu’ils trouvent de différent, ce qu’ils aiment ou ce qu’ils apprennent, filles et garçons répondent :
« Les cours Coop, c’est complètement différent. Dans un cours normal, le prof parle et on écoute. Ici, on est productifs. Ici, la prof parle deux minutes et elle nous laisse aller. Chaque personne est à son étape. Ça change, ça fait changement d’avoir des périodes d’entrepreneuriat. Ça libère! »
« Dans un cours normal, c’est le prof qui parle et qui décide. Ici, on fait tout, on est productifs, on est autonomes. On s’améliore toujours pour arriver à un produit qui nous satisfaits. »
« Les projets Coop, c’est pratique dans les autres matières. On fait du français et des maths, mais on ne s’en rend pas compte. C’est pour notre projet, donc ça nous motive, pas comme dans
les cours normaux. »
« On se découvre nous-mêmes en faisant les projets. On découvre nos forces et nos faiblesses à se débrouiller nous-mêmes, à entreprendre un projet. »
« J’aime ça travailler avec mes mains. On peut se débrouiller pour plus tard. Ça fait changement, et j’aime manier des affaires. C’est juste dans ce cours-là que l’on peut faire ça. C’est comme une préparation pour la vraie vie. »
1- Ce rapport est disponible dans sa version courte à l’adresse www.ctreq.qc.ca/projets-vocation-cooperative/ ainsi que dans sa version intégrale à l’adresse crires.ulaval.ca/sites/crires/files/evr_jc2014_rapport_evaluation.pdf
Les filles y voient des effets positifs plus grands, et plus encore sous le volet coopératif que sous le volet entrepreneurial. Aucune différence significative n’a été repérée entre les réponses des élèves provenant des groupes réguliers et des groupes d’adaptation scolaire. Tout comme les enseignants, les élèves mentionnent que par ces programmes ils ont mieux connu leurs aptitudes et intérêts, et ont pu développer des qualités coopératives(ex.: la participation, l’entraide, la solidarité) et entrepreneuriales (ex. : la confiance en soi et la capacité de leadership). Deux élèves sur trois en étaient à leur premier projet COOP. Dans les écoles où certains enseignants ont adopté l’un ou l’autre de ces programmes, les activités EVR ou JC existent depuis moins d’un an dans 40 % des écoles et depuis au moins quatre ans dans une proportion de 35 %.
L’effet de nouveauté a donc joué pour certains, tout comme une prédisposition des enseignants à passer en mode coopératif en classe. « Les projets Jeune Coop, c’est une façon d’enseigner, on peut faire le lien avec toutes les matières. On en profite pour passer les matières scolaires autant en français, en math, etc. », « On touche à toutes les matières, mais les élèves ne s’en rendent pas compte,
donc ils aiment ça! ». 80 % des enseignants reconnaissent que les deux programmes sont en lien avec les documents administratifs de l’école (projet éducatif et plan de réussite) et avec le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ). Quant aux élèves, ils vivent des expériences structurées et concrètes. Certains sont rassurés par la clarté des démarches procédurales (ex. : l’identification d’un besoin, l’explicitation des rôles et de la répartition entre les élèves d’une même équipe, d’un même comité). Ceux qui modifient les activités suggérées font preuve d’appropriation, une condition souvent mentionnée dans la littérature scientifique pour assurer la pérennité et le déploiement d’une innovation en éducation.
Bien que la presque totalité des enseignants signalent le manque de ressources humaines pour les aider en cours de réalisation des projets, ceux-ci favorisent le développement d’une culture de collaboration entre collègues, voire rejoignent l’action des conseillers pédagogiques qui préconisent l’apprentissage coopératif et l’approche par projet pour l’atteinte des finalités du PFÉQ.
Un élan qui se poursuit
Le CQCM a eu une heureuse initiative. Son élan ne s’arrête pas là puisqu’il invite maintenant sa vingtaine d’agents ainsi que les enseignantes et enseignants intéressés à faire avancer la pratique de la coopération en participant au Réseau d’innovation pédagogique par l’entrepreneuriat collectif.
Pour plus d’information : voir le site du RIPEC à l’adresse cop.crires.ulaval.ca/coperripec/