Grand Forum de la prévention du suicide
Depuis 1986, l’Association québécoise de prévention du suicide a pour mission de promouvoir la prévention du suicide et de réduire le nombre de suicides et ses conséquences en mobilisant le maximum d’individus et d’organisations. Elle organise des campagnes de sensibilisation, conçoit des formations en prévention du suicide, soutient des organi sations et des citoyens qui se mettent en action pour bâtir un Québec sans suicide et favorise la concertation du réseau.
La détresse et le suicide chez les jeunes sont des réalités bouleversantes pour les intervenants et les gestionnaires scolaires. À tout coup, on cherche des clés pour comprendre, aider, prévenir la contagion, réconforter ceux qui restent et éviter que de tels drames se produisent. Bien que les taux de suicide soient en baisse chez les jeunes depuis les années 2000,43 jeunes de 15 à 19 se sont enlevé la vie en 2011 au Québec. Dépression, idées suicidaires, comportements à risque, tentatives et suicide… les enjeux sont nombreux et les portraits variés.
Du 14 au 16 octobre dernier, le Grand forum de la prévention du suicide a consacré une journée entière au sujet de la prévention chez les jeunes de
5 à 17 ans. L’Association québécoise de prévention du suicide a pu compter sur la collaboration de la Fédération des commissions scolaires du Québec pour élaborer son contenu. C’est d’ailleurs la présidente, Josée Bouchard, qui a lancé la journée par une allocution.
Des conférenciers de renom ont permis aux enseignants, gestionnaires scolaires, intervenants jeunesse et professionnels présents de mieux saisir les aspects psychologiques et sociaux du phénomène. Voici les faits saillants de deux de ces présentations.
Comprendre le suicide chez les jeunes
La diminution des taux de suicide depuis le début des années 2000 est particulièrement marquée chez les adolescents. En 2011, 1 105 personnes se sont enlevé la vie au Québec, dont 43 adolescents de 15 à 19 ans (28 garçons et 15 filles). En 2000, on en comptait 80 pour ce groupe d’âge.
Chez les adolescents, le suicide est maintenant la deuxième cause de décès, après les traumatismes routiers. En 1999-2000, le suicide était la cause de 37,5 % des décès des garçons de 15-19 ans; 24,4 % en 2008-2010. Chez les filles, la baisse a été moins marquée, passant de 22,4 % à 18 % des décès.
Du côté des enfants de 14 ans et moins, le suicide a fait entre 2 et 12 victimes par année entre 2006 et 2011.
Ces améliorations statistiques ont de quoi nous encourager à poursuivre nos efforts en prévention. Mais de nombreux jeunes vivent de la détresse et, lorsque survient le pire, des communautés entières sont bouleversées. Si on considère que les jeunes du primaire qui ont des idées ou des comportements suicidaires peuvent présenter des problèmes au secondaire ou à l’âge adulte, il est crucial d’agir rapidement.
Pour la Dre Johanne Renaud, psychiatre de l’enfance et de l’adolescence à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, ce sont des comportements suicidaires que l’on diagnostique chez les jeunes de 5 à 12 ans et c’est à partir de la puberté que l’on assiste à des décès. Elle a notamment expliqué que la dépression chez les jeunes n’est pas rare et qu’elle peut conduire à une altération du fonctionnement académique et social, à de l’automutilation, à de l’automédication, à un risque accru de dépression à l’âge adulte et au suicide.
Fait surprenant : un adolescent sur 4 s’adonnerait à l’automutilation, une pratique très addictive.
Selon une étude de 2011 portant sur les tentatives de suicide aux États-Unis chez les jeunes âgés de 10 à 17 ans, dans les
12 mois précédant l’étude, 2,4 % avaient posé un geste suicidaire résultant en des blessures, un empoisonnement ou une intoxication. 7,8 % des étudiants avaient fait une ou plusieurs tentatives et 12,8 % avaient élaboré un plan suicidaire.
Dre Renaud insiste sur l’importance de détecter rapidement les jeunes à risque, de ne pas attendre que le problème se règle tout seul, d’évaluer minutieusement les jeunes en situation de crise ou ceux qui se retirent de leurs activités habituelles, de considérer les troubles concomitants (comme l’anxiété ou la consommation de substances), de travailler en équipe et sous supervision et d’intégrer la famille et les amis proches dans le plan d’intervention.
Les taux de suicide sont en baisse chez les jeunes depuis les années 2000.
Lors du Grand forum, des intervenants en santé et en éducation de la MRC de Sainte-Anne-des-Monts ont témoigné de leur expérience de postvention à la suite du décès par suicide d’une adolescente de
15 ans en 2011. L’histoire a été largement médiatisée et le choc pour la communauté a été majeur. Ils ont identifié des actions et des attitudes qui ont facilité selon eux la gestion d’une situation de postvention, dont le développement d’une culture de prévention et la mise en place d’une équipe intervention suicide multidisciplinaire (éducation, santé, communautaire), la formation continue du personnel et l’arrimage avec les ressources extérieures. La fréquence des rencontres en dehors des périodes de crise, la complicité des gestionnaires, la circulation de l’information et la construction de liens de confiance ont aussi été nommées comme facteurs de protection.
Pendant la postvention, les intervenants ont insisté sur l’importance de prendre soin d’eux et de ménager leur énergie en ayant accès à d’autres ressources (collègues d’autres points de service et mesures d’urgence). Parmi les facteurs de risque, mentionnons entre autres l’interférence des médias et la gestion de l’émergence de certains troubles chroniques qui a nécessité beaucoup d’énergie.
Ils ont conclu en mentionnant que cette crise a favorisé le développement des compétences professionnelles, le renforcement des liens entre les établissements, la signature de protocoles de postvention dans toutes les écoles du territoire, la proactivité acquise et désormais partie intégrante de la culture organisationnelle, l’implication accrue des organismes communautaires et la mobilisation du milieu dans les activités de prévention du suicide.