Magazine Savoir FCSSQ

Pratiques administratives

Au-delà de la logique, l’intuition

| Par Larisa V. Shavinina, professeure en sciences administratives, Université du Québec en Outaouais, et membre de la Table ronde des sous-ministres sur la créativité dans la fonction publique fédérale - [email protected]
larsla-v-shavlnlna

Larisa V. Shavinina Professeure en sciences administratives, Université du Québec en Outaouais

Savez-vous pourquoi les organisations comme le ministère de la Défense américaine, la NASA, le Federal Executive Institute, l’Agence de sécurité nationale et les pompiers du comté de Los Angeles ont des programmes de formation qui visent à développer l’intuition?  C’est parce que l’intuition est extrêmement importante pour la réussite dans n’importe quel secteur d’activité comme dans le milieu  scolaire par exemple. La vérificatrice générale du Canada affirme : « Des erreurs seront faites ». La façon la plus efficace pour empêcher des erreurs est de compter sur notre intuition et sur la sagesse (la sagesse ne sera pas considérée dans cet article). Quand, comment et où devrions-nous utiliser notre intuition? La recherche démontre que plus une personne monte de niveau dans une organisation, plus l’intuition est nécessaire. C’est parce que l’une des compétences importantes du gestionnaire ou de l’élu scolaire est de compter sur la capacité intuitive à prendre les bonnes décisions. La sagesse conventionnelle conseille de ne pas utiliser son intuition et d’utiliser des méthodes formelles d’analyse qui sont assez bonnes pour prendre des décisions. Au contraire, les meilleurs utilisateurs de l’intuition disent que les tentatives de remplacer l’intuition par l’analyse sont une erreur : quand les gens négligent  l’intuition, la qualité d’une décision se dégrade. L’analyse formelle peut être un supplément valable, mais pas un substitut pour l’intuition quand il s’agit de décisions essentielles.

L’esprit intuitif est un cadeau sacré et l’esprit rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et nous avons oublié le cadeau.
Albert Einstein

La Fondation Nobel a décerné deux prix en économie à Herbert Simon (en 1976) et à Daniel Kahneman (en 2002) démontrant le rôle important de l’intuition dans la prise de décision. Ces Prix Nobel affirment que la complexité inhérente de tâches et les décisions font  que ce n’est pas pratique de compter sur l’analyse toute seule. Monsieur Simon a introduit le concept de la « rationalité limitée » (bounded rationality) qui précise que c’est impossible d’analyser tous les faits afin de prendre les décisions importantes. Il y a trop de faits et trop de combinaisons de faits. Plus la décision est complexe, plus les complications s’additionnent rapidement.

Alors, qu’est-ce qui nous aide à prendre de meilleures décisions? L’intuition, sous forme de très grands répertoires de modèles des pressentiments, des impulsions, des perspicacités, des sensations instinctives et des prévisions, s’acquière après des années d’exercice. L’intuition est donc une extension naturelle de l’expérience. L’intuition est une base raisonnable et digne de confiance pour l’action. L’un des usages critiques de l’intuition est de nous avertir lorsque quelque chose va mal, même si nous ne savons pas ce que c’est. Apprendre à ressentir des problèmes est la clé pour prendre des décisions intuitives. Apercevoir des problèmes avant qu’ils deviennent trop grands est une capacité exceptionnelle des bons dirigeants. Les situations de gestion et des décisions importantes
dans lesquelles l’intuition est la plus utile se retrouvent dans les cas suivants : (1) un haut niveau d’incertitude et (2) peu de précédents existent, (3) les variables sont moins scientifiquement prévisibles, (4) « les faits » sont limités et (5) ils n’indiquent pas clairement le chemin idéal, (6) des données analytiques ne sont pas trop utiles, (7) plusieurs solutions alternatives existent et chacune
des solutions est menée par des arguments solides, (8) le temps est limité et la pression pour trouver la solution optimale monte. L’intuition est indispensable dans tous ces cas. Un manque d’intuition peut mener à la mauvaise gestion ou à des décisions «  paralysées » dans les organisations, voire même à une performance médiocre. L’intuition devient aujourd’hui plus importante pour
les raisons suivantes : la complexité des tâches et donc la complexité des décisions à prendre (par exemple, l’environnement ou la sécurité), l’explosion d’informations et les nouvelles technologies intelligentes qui peuvent nous rendre stupides.

La recherche démontre que plus une personne monte de niveau dans une organisation, plus l’intuition est nécessaire.

homme-penseComment utiliser l’intuition? Lorsqu’on sent intuitivement qu’un problème existe. – Pour intégrer les morceaux isolés de données et l’expérience dans une image intégrée, souvent dans une perspicacité « ah! ah! » ! – Pour contrôler les résultats d’analyse plus rationnels, contourner une analyse approfondie et arriver rapidement à une solution.

C’est toujours possible d’améliorer le processus de décision intuitif en suivant une formation visant à développer votre intuition. Les commissions scolaires ont des responsabilités importantes à assumer quotidiennement. Les représentants de ce réseau ont donc intérêt à développer leur intuition pour prendre des décisions les plus éclairées.

Voici quelques conseils pour la prise de décisions intuitives

• La première option qui vous traverse l’esprit est probablement la bonne.
• L’analyse pour soutenir votre intuition.
• La dépense de plus d’énergie dans la compréhension de la situation que dans ce qu’on doit faire.
• Ne pas confondre les désirs avec les intuitions.
• Bien réfléchir à l’avance.
• L’incertitude ajoute de l’excitation dans la prise de décisions.
• L’utilisation de la bonne stratégie pour la prise de décisions.
• La consultation d’experts.
• Le maintien de la vigilance par rapport aux barrières de l’intuition. Par exemple, l’absence de bon sommeil, la fatigue, la maladie, les nouvelles technologies constituent de telles barrières.