Le défi de l’inclusion des élèves autistes en milieu ordinaire
Julie Croizille Coordonnatrice de projets à la Fédération québécoise de l’autisme [email protected]
Selon les données du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), au cours des cinq dernières années, le nombre d’élèves ayant un trouble envahissant du développement (TED) scolarisés dans
le secteur public au Québec a doublé. Représentant désormais 26 % des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA), il s’agit de la catégorie des EHDAA la plus nombreuse. Face à cette augmentation, la scolarisation des élèves ayant un TED devient un des grands enjeux éducatifs modernes qui se dessine aujourd’hui pour de nombreux acteurs du réseau de l’éducation.
L’école au Québec : une approche inclusive
Le choix de faire de l’école québécoise une école ouverte à tous est un vrai choix de société. Comme nous le confie Éric Lauzon, directeur adjoint au Service des ressources éducatives de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) : « Les personnes autistes font partie de la société, et ce sera la même chose, plus tard, sur le marché du travail. Aussi, même si l’on pense que ce sont des élèves ayant de gros problèmes de socialisation, on constate qu’ils profitent beaucoup à côtoyer des élèves du régulier et vice versa ». Attention, cela ne veut pas dire qu’il prône « l’intégration à tout prix ». Il se dit plutôt favorable à l’approche en pallier adopté au Québec et dont l’objectif premier vise l’inclusion des élèves HDAA en milieu ordinaire, en autant que cela soit réalisable, avec le soutien de personnel spécialisé dans les classes.
Accompagner les enseignants : une condition nécessaire
Sophie Turcotte, enseignante-ressource en soutien à l’intégration des élèves ayant un TEDSDI (TED sans déficience intellectuelle) à la Commission scolaire de Montréal (CSDM), nous confirmait déjà en 2010 qu’elle travaillait « […] avec des équipes dynamiques qui souhaitent l’inclusion des élèves pourvu qu’on leur offre les conditions et le soutien nécessaires […] [ref]L’express, numéro 3 – printemps 2010, Fédération québécoise de l’autisme[/ref] ». Le rôle de Sophie Turcotte est d’aller dans les classes ordinaires, à l’invitation des directions d’école, afin de proposer des pistes d’intervention qui optimiseront les chances de réussite de l’élève ayant un TED et le travail de l’enseignant.
Éric Lauzon observe aussi chez les enseignants des points de services de la CSMB une très belle ouverture d’esprit par rapport à l’intégration des élèves ayant un TED. Peut-être est-ce dû à la présence d’une équipe de professionnels et d’un service d’accompagnateur dans chaque école qui intègre un élève TED ? Chose remarquable, il y a, à quelques exceptions près, un élève ayant un TED intégré dans chacune des 87 écoles de la CSMB.
La formation, une autre clé de la réussite
À la CSMB, un plan de formation spécifiquement conçu pour le personnel travaillant auprès de la clientèle TED a été mis en place. Il se décline de manière progressive :
- connaissance de la clientèle;
- approches éducatives spécifiques;
- moyens d’évaluation pédagogique;
- groupes de recherche et développement de nouveaux outils (2 modules).
Former les enseignants est une des clés de la réussite de l’intégration des élèves autistes et comme nous le confirme Éric Lauzon : « Aujourd’hui, on connaît mieux l’autisme, on sait mieux le prendre en charge et les services s’améliorent au fil des années ».
Tous les ans, en avril, le mois de l’autisme permet de sensibiliser et d’informer la population sur les troubles du spectre de l’autisme.
Désamorcer les problématiques complexes : un enjeu crucial
Éric Lauzon nous confie toutefois que certaines situations sont plus délicates à régler. « La gestion des comportements difficiles reste problématique. Surtout lorsqu’on a affaire à des cas complexes qui nécessitent aussi le recours à une approche médicale (santé mentale, problème de santé…). Dans ces cas, le milieu de l’éducation n’est pas bien équipé et le personnel n’est pas suffisamment formé. […] Généralement, on essaie d’éviter le retrait de services autant que possible, mais quand on arrive à bout de ressources, on n’a plus le choix de solliciter nos partenaires pour nous soutenir dans une démarche multidisciplinaire ».
À la Fédération québécoise de l’autisme, nous avons déjà vécu ce type de situation et constaté que, parfois, les services sociaux ou de santé ne prennent pas le relais assez rapidement. Les familles peuvent alors se retrouver sans aucun service pour une période indéterminée.
Pour Éric Lauzon, il ne fait aucun doute : le partenariat est une des clés du succès à consolider. Pour lui, l’élève ayant un TED ne pourra s’épanouir et prendre sa place dans la société qu’à condition que les quatre sphères qui lui sont vitales, soit l’école, les services de santé et les services sociaux, le communautaire et la famille s’assoient ensemble autour d’une même table dans un esprit de concertation.
Mois de l’autisme au Québec
Pendant le Mois de l’autisme 2013, de nombreux événements auront lieu dans toutes les régions du Québec. Certaines écoles organiseront des actions pour sensibiliser les élèves à l’autisme. Ce sont des actions importantes qui participent à une meilleure intégration des élèves ayant un TE D et à un gain positif pour tous les élèves. « L ’école est une société en soi. Je crois que l’inclusion scolaire participe à créer des citoyens meilleurs et plus tolérants. » Éric Lauzon