Magazine Savoir FCSSQ

Persévérance scolaire

Spécial Sommet sur l'éducation publique

Persévérance scolaire et valorisation de l’éducation : pour une vision commune d’un chantier collectif

| Par Michel Perron, Ph. D., professeur, Département des sciences humaines, Université du Québec à Chicoutimi, titulaire de la Chaire UQAC–Cégep de Jonquière sur les conditions de vie, la santé et les aspirations des jeunes (VISAJ) - [email protected]
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Michel Perron, Ph. D. [email protected]

Les 19 et 20 octobre 2011, nous avons vécu un moment fort de mobilisation au Québec sur la persévérance scolaire. En tant que président du comité organisateur des 2es Rencontres interrégionales sur la persévérance et la réussite scolaires (2es RIPS), je suis convaincu que ce succès va nous conduire encore plus loin. De par les engagements des 900 participants en provenance de toutes les régions du Québec, au regard de l’objectif de permettre à 80 % des jeunes Québécois d’obtenir un premier diplôme avant l’âge de 20 ans, je crois que les efforts vont s’accentuer au cours des prochaines années. D’autant plus que d’autres partenaires essentiels ont contribué à un tel succès : le réseau de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), celui de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ), de même que Réunir Réussir (R2), les 20 instances régionales de concertation sur la persévérance scolaire et la réussite éducative (IRC). C’est une excellente nouvelle pour les parents, les éducateurs, les employeurs et, bien sûr, pour les jeunes eux-mêmes. Le regard prospectif que je veux poser dans le présent texte m’amène à insister sur quelques conditions fondamentales qu’on se doit de respecter pour soutenir les jeunes dans leur persévérance et leur réussite scolaires, peu importe le rôle que nous jouons à cet égard.

Un consensus fort

Divers facteurs influent sur les parcours scolaires et particulièrement sur la persévérance scolaire, notamment à l’âge de la scolarité obligatoire. Parmi les nombreux déterminants, on ne doit pas négliger ceux petite-fille-artliés aux familles et aux conditions de vie des jeunes, de même qu’aux caractéristiques des territoires qu’ils habitent, et ce, à différentes échelles : régions, villes, villages, quartiers. Les liens entre une collectivité, l’éducation des jeunes et le territoire ont été approfondis. La récente tournée des régions orchestrée par la FCSQ a d’ailleurs fait ressortir quelques enjeux essentiels : le rôle de la formation professionnelle comme levier de développement économique dans les régions, la persévérance scolaire comme enjeu collectif, l’importance d’améliorer les communications entre les divers publics des commissions scolaires [ref]FORTIER, M. (2012), « Tournée des régions : les commissions scolaires à l’écoute », Savoir, 17 (3) : p. 2.[/ref].

Si l’importance de mobiliser tous les acteurs (la famille, la communauté, l’école, le quartier, la région) a été réaffirmée, d’autres consensus ressortent clairement des 2es RIPS. Ils ne sont pas nouveaux, mais ils prennent de l’importance étant donné l’ampleur de la prise de conscience collective que les jeunes de chaque région du Québec ont besoin d’un coup de pouce additionnel pour persévérer à l’école.

Sur le thème Visons bien, visons loin!, les 2es RIPS ont renforcé le consensus sur l’importance d’œuvrer à la valorisation de l’éducation, un objectif qui devra s’imposer de plus en plus au Québec. En mettant à profit les acquis régionaux et nationaux, tout en s’inspirant à l’étranger, le rapport du Groupe d’action sur la persévérance scolaire, présidé par L. Jacques Ménard, a beaucoup contribué depuis mars 2009 à accentuer l’implication citoyenne qui demeure à l’avant-scène des efforts en cours. On a assisté depuis à une appropriation des recommandations de ce rapport. En effet, les dix propositions du groupe d’action ont influencé la Stratégie d’action jeunesse 2009-2014 du gouvernement québécois [ref]SECRÉTARIAT À LA JEUNESSE (2009). Stratégie d’action jeunesse 2009-2014, Québec, Gouvernement du Québec, 102 pages.[/ref] et le plan ministériel L’école j’y tiens! Tous ensemble pour la réussite scolaire [ref]MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT (2009). L’école, j’y tiens! Tous ensemble pour la réussite scolaire, Québec, Gouvernement du Québec, 34 pages.[/ref].

Chemin parcouru et pistes d’amélioration

garcon-ecrit-face-sur-livreIl est très encourageant de constater le chemin parcouru depuis bientôt quatre ans, soit depuis le premier événement interrégional qui avait réuni 400 personnes en octobre 2008 au Mont Sainte-Anne. Éric Lamarre, associé directeur au Canada de la firme indépendante McKinsey & Compagnie, a présenté un bilan du chemin parcouru au Québec en référant au plan d’action ministériel. Il a souligné d’abord que depuis 2008, le taux de diplomation avant 20 ans est passé de 68,6% à 73,8%. Le décrochage est, quant à lui, en baisse chez l’ensemble des élèves du secondaire, passant de 20,7% à 18,4%. Chez les garçons, cette baisse est encourageante, le taux diminuant de 26,2 % à 22,6 %. « Bien que le bilan de ces dernières années soit largement positif, il faut continuer à persévérer… dans la persévérance! », nous exhorte M. Lamarre.

Parmi les actions qui ont pu avoir un effet positif sur l’augmentation du taux de diplomation, ce dernier a noté l’établissement de cibles en cascades où chaque commission scolaire a convenu avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport d’une cible ajustée à sa réalité et à son contexte socioéconomique. Il a également souligné la constitution de l’organisme R2 doté d’un fonds de 50 millions de dollars pour soutenir des initiatives provenant d’instances régionales afin d’améliorer l’impact de leurs actions sur leur territoire respectif. D’autres mesures et programmes ont pu également jouer un rôle dans cette amélioration : la réduction du nombre d’élèves par classe; la valorisation de la formation professionnelle; l’ajout de 14 000 places dans les centres de la petite enfance; les efforts pour raccrocher un maximum de décrocheurs.

Le bilan présenté a aussi permis de souligner que certaines actions méritent d’être revues ou améliorées. Il faut en effet redoubler les efforts en ce qui concerne l’évaluation des interventions pour mieux cibler les pratiques exemplaires et célébrer les bons coups. On doit également peaufiner les échanges entre les commissions scolaires elles-mêmes et encourager les dialogues de performance entre celles-ci et les écoles. D’autres pistes ont été proposées : étendre le champ d’action de la stratégie d’intervention Agir autrement; assurer le suivi individualisé des jeunes en difficulté; développer un canal d’échanges entre les régions.

Défis collectifs à relever

eleves-TDHADans l’espoir de contribuer si possible à la consolidation de ce mouvement de mobilisation, jetons un regard vers le futur en suggérant quelques grands défis qui nous attendent individuellement et collectivement. Premièrement, la question scolaire doit devenir une cause prioritaire et rassembleuse pour les parents, les acteurs scolaires, les intervenants du milieu de la santé ainsi que les élites locales et régionales. La vision d’oeuvrer à soutenir la persévérance scolaire et, par conséquent, de mieux accompagner les jeunes en difficulté, sous-tend la nécessité d’agir en priorité sur la prévention et non exclusivement sur la réussite scolaire et le raccrochage des jeunes.

Deuxièmement, l’approche partenariale doit être priorisée pour permettre au plus grand nombre d’acteurs de divers milieux d’agir véritablement au bénéfice des jeunes. Selon Bourque, une approche partenariale se définit comme une « relation d’échange structurée et formalisée (par contrat ou entente de services) entre des acteurs sociaux (communautaire, économie sociale, institutionnel, privé) impliqués dans une démarche convenue entre eux et visant la planification, la réalisation ou l’évaluation d’activités ou de services » [ref]BOURQUE, D. (2008), Concertation et partenariat. Entre levier et piège du développement des communautés. Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 8.[/ref]. Les conventions de partenariat signées en 2010 et 2011 entre le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et les commissions scolaires respectent bien cet esprit. Cependant, un défi de taille pointe déjà à l’horizon. En effet, l’implication plus soutenue des commissions scolaires ne doit pas signifier le désistement des autres acteurs de la société formant la société civile, notamment les parents, les employeurs, les organismes communautaires, qui sont maintenant mobilisés plus que jamais. Nous avons la responsabilité collective d’innover en favorisant l’intégration des approches scolaires et communautaires en nous inspirant d’expériences déjà en cours au Québec [ref]PERRON, M. ET S. VEILLETTE. (2012). Territorialité, mobilisation des communautés et persévérance scolaire : la diffusion d’une innovation sociale au Québec. Dans J.-L. Gilles et al. (dir), Accrochage scolaire et alliances éducatives. Berne : Peter Lang, p.169-189.[/ref] ou dans d’autres pays [ref]BLAYA, C., GILLES, J.-L., PLUNUS, G. ET C. TIÈCHE CHRISTINAT. (2011). Accrochage scolaire et alliances éducatives : vers une intégration des approches scolaires et communautaires. Éducation et Francophonie, volume XXXIX , 2, 227-249.[/ref].

Troisièmement, les projets spécifiques pour prévenir l’abandon scolaire doivent être menés par des équipes bien outillées qui peuvent compter sur des piliers (des leaders) dans le milieu et qui savent miser sur les connaissances scientifiques, incluant des standards reconnus en évaluation. Les troisièmes rencontres interrégionales auront lieu du 4 au 6 novembre 2013 à Montréal où plus de 1 500 personnes sont attendues.

En dépit des efforts consentis depuis la Révolution tranquille pour augmenter l’égalité des chances, les inégalités de scolarisation persistent cependant au Québec selon le genre, la région et l’origine socioéconomique des élèves, comme on peut le constater en naviguant sur le site Web Cartodiplôme [ref]Produit par la Chaire UQAC–Cégep de Jonquière sur les conditions de vie, la santé et les aspirations des jeunes (VISAJ), en collaboration avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, ÉCOBES Recherche et transfert et le Conseil régional de prévention de l’abandon scolaire, Cartodiplôme (www.cartodiplome.qc.ca) est un site d’analyse géographique
des indicateurs de persévérance et de réussite scolaires. Il présente le portrait spatial évolutif (1999 à aujourd’hui) de la persévérance et de la réussite scolaires au secondaire au Québec.[/ref]. Au cours des prochains mois, il sera nécessaire de suivre l’évolution des taux de diplomation chez les moins de 20 ans à l’échelle locale, régionale et nationale pour mieux appréhender les effets des plans d’action actuels et ajuster les divers modes d’action.