Magazine Savoir FCSSQ

Juin 2012

Spécial Sommet sur l'éducation publique

Entrevue avec Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec

| Par Marie Blouin, conseillère en communications, FCSQ
Marie Blouin Conseillère en communications FCSQ mblouin@fcsq.qc.ca

Marie Blouin
Conseillère en communications
FCSQ

En poste depuis 9 ans, Réjean Parent termine son mandat comme président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ce mois-ci avec le sentiment d’avoir accompli sa mission et d’en sortir enrichi. Il était des nôtres au Sommet sur l’éducation publique pour donner son point de vue sur le système public d’éducation. Malgré un emploi du temps fort chargé, c’est avec beaucoup de générosité et d’enthousiasme qu’il s’est confié au Savoir. Ce leader du monde de l’éducation n’a pas peur d’exprimer haut et fort sa pensée sur le système public d’éducation. Il l’a défendu avec vigueur et beaucoup de conviction pendant toutes ces années et il est prêt aujourd’hui à passer le flambeau.

D’entrée de jeu, il a une perception très positive de l’école publique. Lorsqu’on parcourt une partie du monde comme je l’ai fait comme président de la Centrale, on se rend compte à quel point on est privilégié. Même en Finlande, pays qu’on admire beaucoup ici au Québec, on envie la gouvernance régionale que nous avons, car là-bas ce sont les municipalités qui s’occupent d’administrer les budgets et les écoles se retrouvent nettement désavantagées au profit des services municipaux. « On doit être fier de notre système d’éducation. En 1960, seulement 15 % des jeunes étaient scolarisés alors que 50 ans plus tard, c’est près de 75 % qui obtiennent leur diplôme avant l’âge de 20 ans. Que de chemin parcouru depuis. On a vite tendance à l’oublier! »

M. Parent déplore les compressions budgétaires du gouvernement en éducation alors qu’on devrait, insiste-t-il, investir davantage pour que notre système soit plus performant et qu’il réussisse à rejoindre les 25% d’élèves qui échappent encore au maillon du filet éducatif et qui ne réussissent pas à obtenir leur diplôme de base; véritable passeport pour l’intégration sociale. « C’est contre-productif d’amputer les moyens financiers, d’étouffer les commissions scolaires et, par le fait même, les services aux élèves. Voilà une bien mauvaise stratégie pour un gouvernement qui souhaite atteindre le devant du peloton de tête des pays les plus scolarisés. Ce n’est certainement pas en sabrant dans les budgets et en subventionnant les écoles privées plus que partout ailleurs au Canada qu’on y parviendra. »

Selon son point de vue, avec les compressions prévues en éducation, on se dirige tout droit vers le même système qu’autrefois, soit la formation d’écoles d’élite. Fervent défenseur de l’égalité des chances, il soutient que chaque enfant est « éducable ». « Le rôle central de la commission scolaire c’est justement d’offrir cette éducation de qualité à tout le monde avec les mêmes moyens, peu importe le statut social des élèves et leur région d’origine. La juste répartition des services à l’échelle régionale ne saurait d’ailleurs se réaliser dans les systèmes complètement décentralisés que certains mettent de l’avant. »

On a souvent accusé M. Parent de prendre trop souvent la défense des commissions scolaires, mais comme il le dit lui-même, il tient à ce qu’elles restent en place pour plusieurs raisons. « Ceux qui prônent leur abolition nous dirigent tout droit vers l’inefficacité et l’endettement. On perd du temps à débattre des structures et en transposant ce débat inutile dans les médias. Attaquons-nous aux vrais problèmes et cessons de chercher à réparer ce qui n’est pas brisé! »

Même s’il admire le chemin parcouru en éducation, il constate que des changements doivent être apportés. Au regard des commissions scolaires, il suggère :

• D’être plus à l’écoute des acteurs du milieu, les enseignants, la population, les élèves, les parents, pour mieux répondre à leurs besoins.

• De mieux faire connaître le rôle majeur joué par les commissions scolaires pour qu’on comprenne mieux leur importance.

• De ne pas nécessairement viser l’homogénéité des écoles, mais plutôt l’excellence des écoles.

• De favoriser le respect du rôle de chacun dans le milieu scolaire.

• Dans la distribution des ressources aux écoles, que les commissions scolaires analysent davantage en profondeur les besoins de chacune d’entre elles, en fonction de leur milieu socioéconomique notamment.

M. Parent estime qu’il faut accepter d’investir les sommes nécessaires pour que les enfants reçoivent une éducation de qualité. Ces derniers ont droit d’avoir accès aux services pour se former, répondre à leurs besoins, réaliser leurs ambitions et leurs rêves. Sa connaissance des différents systèmes d’éducation à travers le monde l’amène à conclure que là où il n’y a pas de commissions scolaires ou de structures intermédiaires, bien des problèmes surgissent: le partage équitable des ressources étant le plus évident. En fait, conclut-il « Même si c’est à la mode de vouloir couper dans la bureaucratie et l’administration à des fins populistes, il faut rappeler que ces dernières sont essentielles au bon fonctionnement des services publics. En coupant à l’excès dans ces structures, on laisse le champ libre à l’arbitraire politique et on s’éloigne de la démocratie. »