Magazine Savoir FCSSQ

Mars 2012

La construction identitaire au Québec

Projet pilote dans une commission scolaire
| Par Mélissa Lapierre, rédactrice et consultante, Association canadienne d’éducation de langue française

Depuis l’été 2010, l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) et la Fédération canadienne des directions d’écoles francophones (FCDEF) accompagnent la Commission scolaire des Hauts-Bois-de-l’Outaouais dans la mise en place d’un projet pilote en construction identitaire dans la région de Pontiac, au Québec. Le projet vise à outiller les directions et les membres du personnel de six écoles primaires et d’une école secondaire dont la clientèle étudiante possède toutes les caractéristiques d’une clientèle en contexte francophone minoritaire.

Le français au Québec, majoritaire?

jeunes-lecture-bibliothequeEnseignante à l’école primaire Notre-Dame-du-Sacré-Coeur de Chapeau, Isabelle Nadeau a lancé un cri du coeur à l’été 2010 en faisant appel à l’expertise de l’ACELF en construction identitaire. Une expertise bien connue des éducateurs de langue française dans les communautés francophones du Canada, mais beaucoup moins au Québec.

Alors qu’elle travaillait comme enseignante dans une école francophone au Manitoba, Isabelle Nadeau a pris conscience du double rôle joué par l’éducateur en situation minoritaire : « en plus d’enseigner les matières, l’éducateur doit aussi se battre pour valoriser le français auprès des jeunes ». En arrivant dans le Pontiac, Isabelle a réalisé que ses collègues faisaient face au même double défi, mais que peu d’outils s’offraient à eux.

« Même si on est au Québec, souligne Claire Thibideau, directrice générale de la FCDEF et partenaire du projet, on a reconnu chez les jeunes du Pontiac les mêmes caractéristiques identitaires que chez les jeunes des communautés francophones minoritaires du Canada ». L’environnement est majoritairement anglophone, le taux d’exogamie est très élevé et, sur le plan identitaire, le jeune se dit bilingue plutôt que francophone et s’identifie davantage à la culture anglophone. « Tout cela rend très vulnérable la situation du français dans la région et au Québec », s’inquiète Claire Thibideau.

Agir en tant que modèles francophones

IMG_0057Au cours de l’année scolaire 2010-2011, des rencontres ont donc été organisées avec les directions et les éducateurs des sept écoles de la commission scolaire. En plus de s’attarder à la compréhension de la problématique, les présentations avaient pour but de sensibiliser les enseignants à leur rôle de modèles francophones auprès des jeunes.

Prioriser les références culturelles francophones

« À la suite de ces rencontres, précise Lorraine Meilleur, directrice de l’établissement primaire Pontiac, on a réalisé que les élèves  n’apprennent pas le français, mais qu’ils apprennent en français ». Ainsi, il n’y a pas que dans le cours de français où on peut amener les  jeunes à découvrir la culture francophone. « Les directions et les éducateurs prennent maintenant conscience de l’importance d’intégrer des références francophones dans toutes les matières », explique Claire Thibideau.

Développer la fierté culturelle des élèves pour favoriser leur réussite scolaire

Il y aurait donc un lien entre la réussite scolaire des élèves et leur fierté culturelle. « Fiers de leur culture francophone, les jeunes ont le désir de parler en français et veulent bien le parler. Cela les pousse à développer de meilleures compétences langagières, ce qui a un impact direct sur la réussite », poursuit Mme Thibideau.
Mais comment faire pour donner aux jeunes le goût de réussir en français ? Selon Isabelle Nadeau, « il faut leur permettre de vivre des moments agréables dans cette langue ». C’est d’ailleurs la vision de l’ACELF. « Le modèle de la construction identitaire est basé sur le principe que l’intégration positive du français dans le vécu de l’élève constitue une excellente façon de soutenir son appartenance et de susciter son engagement au sein de la francophonie », soutient le président de l’ACELF, Yves St-Maurice.

Faire différemment

« Les enseignants et les intervenants ont déjà énormément de travail dans les écoles. Il ne s’agit pas ici de faire plus, mais de faire   différemment. C’est ce que vise la démarche en construction identitaire que nous avons entreprise avec la commission scolaire »,   poursuit Richard Lacombe, directeur général de l’ACELF. Cette démarche s’inscrit par ailleurs en complémentarité avec les programmes  existants dont la Stratégie d’intervention Agir autrement du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

La prise de conscience est le point de départ de tout processus de changement. Les directions et les membres du personnel des sept  écoles de la Commission scolaire des Hauts-Bois-de-l’Outaouais l’ont bien compris, ce pourquoi ils s’engagent depuis plus d’un an à  mettre en place des stratégies adaptées à leurs élèves dans le but, d’une part, de favoriser leur réussite et, d’autre part, de renforcer positivement leur sentiment identitaire francophone. Un exemple inspirant et… à suivre de près!

bonjour